- Critique
- Article
- 2 min
« Les Damnés ne pleurent pas » de Fyzal Boulifa : éternels nomades
- Laura Pertuy
- 2023-07-17
[CRITIQUE] Présenté au dernier Festival de Venise, le second long métrage de Fyzal Boulifa (« Lynn + Lucy », 2019) épouse la trajectoire de deux laissés-pour-compte. Une fresque qui embrasse l’expression du corps et réfléchit à un autre modèle familial.
C’est en nomades que Selim et sa mère habitent le Maroc, leur terre de naissance, perpétuellement chassés des lieux où ils voudraient s’implanter et disposer de leurs maigres possessions. Méprisés pour l’allure qu’ils arborent et la relation fusionnelle qu’ils entretiennent, ils fuient pour Tanger, où Selim décroche un travail dans un riad tenu par un Français. S’installe entre les deux hommes un lien trouble. Dès la scène d’ouverture, les plans sur les bijoux et caftans du duo d’égarés, le scintillement de l’or et des étoffes, en disent long sur leur orgueil et leur fierté, éléments qui donnent son élan mélodramatique au film.
Le cinéaste observe la honte courir sur les personnages, s’emparer de leurs corps et les arracher à la liberté qui les caractérisait jusqu’alors, loin du modèle patriarcal en place. Avec la densité d’un roman naturaliste, Les damnés ne pleurent pas se donne entier à la fatalité de son titre, sous la photographie charnelle de Caroline Champetier. Dans la pesanteur qu’il donne aux mots de ceux qui n’ont rien et dans l’attention avec laquelle il filme des corps qui se veulent affranchis, Fyzal Boulifa déploie un cinéma queer hanté par un monde qui se meurt, comme lancé vers de plus grandes amours.
Les damnés ne pleurent pas de Fyzal Boulifa, New Story (1 h 51), sortie le 26 juillet 2023
Image Copyright New Story