
Décris-toi en trois personnages de fiction.
En premier, je dirais Barry Eagan dans Punch-Drunk Love, pour son hypersensibilité et aussi sa grande puissance quand il est dans l’amour. En second, je dirais Roméo, dans Roméo + Juliette de Baz Luhrmann, parce que c’est l’adolescence et la recherche d’absolu. Et peut-être Alonzo, le personnage de Denzel Washington dans Training Day, pour la capacité de rebond, mais aussi la partie sombre que peut avoir ce personnage-là, auquel je m’identifie quand je suis déterminé à ne pas me laisser faire.
Trois inspirations ciné qui t’ont traversé l’esprit pour la préparation de l’album ?
Ce sont de grandes références — je ne me prends pas pour ces gens-là, mais c’est de la nourriture –, mais je dirais Apocalypse Now de Coppola, parce que ça parle de guerre, qu’on est dans un monde en guerre, et que c’est une œuvre épique. Il y a un côté fresque qui m’a beaucoup inspiré. Je dirais aussi There Will Be Blood de Paul Thomas Anderson, pour sa manière de parler d’humanité et des grandes questions fondamentales : la violence, la démocratie, les mensonges d’État, la prédation. Et peut-être Coup de tête de Jean-Jacques Annaud, à la fois pour le jeu de Patrick Dewaere, et pour le côté “revanche”. Même si ce n’est pas au cœur de mon processus, le fait de m’être sorti, si on peut dire, des griffes du temps et de ce que demande l’industrie, et d’arriver aujourd’hui avec une proposition entière qui me ressemble — et que ça fonctionne — c’est une belle revanche, même si je ne suis pas revanchard.

Dans ton album, on retrouve le titre « coppola », en hommage au réalisateur. Si tu devais choisir trois grands maîtres de cinéma ?
Francis Ford Coppola, évidemment. Faire Le Parrain et Apocalypse Now, c’est vraiment quelque chose. Ensuite, Pawel Pawlikowski, le réalisateur d’Ida et surtout Cold War. Je n’ai pas vu mieux récemment. C’est fascinant, cinématographiquement pur. Cold War, je l’ai vu une dizaine de fois. Chaque plan est une photographie incroyable ; l’agencement des personnages, les conflits internes, externes… C’est maîtrisé. Et puis, c’est hyper pointu, mais j’adore le cinéaste russe Andrey Konchalovsky, qui a fait le film Michel-Ange. C’est magistral.
L’acteur ou actrice qui te faisait fantasmer à treize ans ?
Brad Pitt. Pour sa cinégénie, mais aussi pour la manière dont il a refusé d’être enfermé dans sa gueule d’ange. Ne pas se laisser enfermer dans le « beauty privilege », c’est fort. Il a développé sa carrière bien au-delà de ça.
Trois films que tu as regardés calé sur un canap’ avec tes enfants ?
Little Miss Sunshine, qui est absolument merveilleux. La dynamique des personnages, cette petite fille, la pression du père, le grand-père marginal, les conseils philosophiques… et cette fin, qui est magistrale. Wall-E. Pixar, c’est du génie : c’est universel sans être cliché. Et Nos jours heureux. Je trouve que c’est dans la lignée des comédies françaises des années 1980 : La Boum, Les Sous-doués, La Guerre des boutons... C’est le genre de films qui montre de la bienveillance et de la vie. On ne peut faire ces films qu’en France.
Trois musiques de films qui t’ont marqué ?
La musique de There Will Be Blood, faite par le guitariste de Radiohead [Jonny Greenwood, ndlr]. Elle est singulière, indispensable, je la ressens plus que je ne l’entends. La musique de Eyes Wide Shut, avec Ligeti [György Ligeti, compositeur d’origine hongroise qui a collaboré à plusieurs reprises avec Stanley Kubrick, ndlr]. Et puis, si je suis honnête, Rocky, Star Wars, Indiana Jones… La musique de La Boum, aussi. Je ne peux pas l’écouter sans voir les images dans ma tête — alors que je peux écouter celle de There Will Be Blood sans voir les images.
Trois films dont tu pourrais dire « on s’en rappellera pas » ?
Je ne peux pas, parce que je m’en rappelle pas. Je suis très sélectif : en général, je vois dès la bande-annonce si ça va me parler. Et si je m’en souviens, c’est que c’était bien.
Y a-t-il des genres auxquels tu es moins sensible ?
Je suis ouvert à tous les genres, mais les films d’horreur, pas trop. Je reconnais la puissance cinématographique d’un cinéma comme celui d’Ari Aster par exemple, mais ça me met trop mal à l’aise. Au-delà de l’esthétique, ça ne m’intéresse pas — mais je reconnais que c’est fort.
Trois scènes de films que tu trouves particulièrement prenantes ou que tu aurais aimé vivre ?
Dans True Romance, la scène où Christian Slater tue le tortionnaire de la femme qu’il vient de rencontrer. C’est très “let’s go”. Ensuite, dans Gloria de John Cassavetes, dans lequel une femme [incarnée par Gena Rowlands, ndlr] prend en charge un orphelin dont les parents ont été tués, et fait front à la mafia à la fin. Un des plus grands personnages féminins que j’ai vus. Et puis j’aurais aimé vivre La Boum, le slow avec Sophie Marceau. À quinze ans, bien sûr.
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