
Périlleuse aventure que de s’atteler à raconter la genèse du premier roman des temps modernes, L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, un des plus grands succès de l’histoire de l’édition, à travers la biographie de son auteur, Miguel de Cervantès, lui-même éclipsé par un mythe encombrant. Il faut dire que le cinéma s’est emparé timidement de la vie rocambolesque du romancier faite d’errances et de moult déboires.
Le portrait tiré par Alejandro Amenábar dans Cervantès avant Don Quichotte s’intéresse à la fois au soldat et au conteur en germe. Plus précisément à ses cinq années dans les geôles d’Alger. Au registre attendu du picaresque, Amenábar préfère l’étude de caractère sans céder à la psychologisation à outrance ni aux clins d’œil appuyés à Quichotte. Son vrai-faux film de prison s’articule autour de la relation homoérotique entre l’indocile Cervantès (Julio Peña Fernández, playboy hispanique découvert dans la trilogie À travers ma fenêtre sur Netflix) et le sultan Hasán Bajá (Alessandro Borghi, alias Rocco Siffredi dans la série Supersex), geôlier captivé par les histoires exubérantes d’un homme qui fourbit peu à peu son sens du storytelling. Les récits en trompe-l’œil s’enchâssent, les passions flambent. Amenábar signe à n’en pas douter son film le plus réussi depuis Agora.