
Comment décririez-vous la conception de bande-annonce ?
Il n’y a pas de règles fixes. Il est important de noter que ce ne sont ni les réalisateurs ni les monteurs des films qui s’occupent de la bande-annonce. Le montage d’un long métrage et celui d’une bande-annonce sont deux exercices très différents. Le second est un acte de marketing publicitaire, qui demande un sens du rythme et de la narration distinct. Nous sommes parfois obligés de remonter des scènes, de modifier la narration ou d’utiliser des musiques différentes. C’est un processus qui peut être difficile pour un réalisateur, car il doit faire preuve d’un certain lâcher-prise.
On entend souvent dire que les bandes-annonces actuelles en disent trop. Vous êtes d’accord ?
Je pense que certaines bandes-annonces, notamment celles des blockbusters américains qui se déclinent en plusieurs versions, en disent effectivement trop. Elles accumulent les « money shots » [les plans spectaculaires, ndlr] au point qu’on a l’impression d’avoir déjà vu le film. Notre métier consiste à trouver le bon équilibre entre raconter un film et ne pas trop en dire. Pour les comédies, il faut se freiner pour ne pas utiliser tous les meilleurs gags dans la bande-annonce. C’est une question de curseur, pour ne pas gâcher le plaisir du spectateur. D’ailleurs, en ce qui concerne la durée, je dirais même que plus c’est court, mieux c’est.
Quelles sont les bandes-annonces que vous avez faites qui vous ont le plus marqué ?
Je retiens déjà celle du Divorce de James Ivory [2003, ndlr], qui se déroule à Paris. C’était incroyable. Je gravais les maquettes de la bande-annonce sur DVD – on n’avait pas WeTransfer à l’époque ! –, puis j’allais directement dans son appartement parisien pour débriefer avec lui et son coproducteur Ismail Merchant. C’était la première bande-annonce d’un film américain que nous réalisions et ça nous a vraiment mis le pied à l’étrier. Je me souviens aussi de celle de Ma loute de Bruno Dumont [2016, ndlr]. Le film était fou et stimulant, et essayer de restituer l’expérience du film sans tout révéler était un exercice génial. Enfin, je dirais que la bande-annonce de Visages villages d’Agnès Varda et JR [2017, ndlr] reste un souvenir magnifique. J’ai eu la chance de travailler directement avec Agnès. Elle me disait souvent : « Il faut laisser les collages respirer », une expression qui m’est restée.
Sirāt d’Óliver Laxe, Pyramide (1 h 55), sortie le 10 septembre
Fiche métier
Un concepteur de bandes-annonces doit capturer en moins de deux minutes l’essence, la couleur et le goût d’un long métrage. L’exercice consiste ainsi à inciter le public à découvrir l’œuvre dans son intégralité, sans pour autant se contenter de la résumer. Et en se préservant de tout en révéler, bien sûr.