The End : on décrypte la fin du « Carol » de Todd Haynes

Dans la rubrique « The End » on analyse la dernière scène d’un long métrage culte. Aujourd’hui, c’est au tour de l’extraordinaire « Carol » de Todd Haynes.


Carol
©UGC Distribution – D. R

C’est une fin qui aurait pu être tragique. Dix minutes avant le générique, Carol (Cate Blanchett) et Therese (Rooney Mara) prennent un verre, fébriles. Nous sommes à New York, dans les années 1950, et la première, bourgeoise, vient d’achever un divorce après que son mari a découvert sa liaison avec la deuxième, une apprentie photographe plus jeune.

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Malgré son assurance à toute épreuve, Carol a perdu beaucoup : la garde de sa fille, son statut social, sa relation avec la timide Therese, qu’elle a mise à l’écart pendant la procédure de divorce. Carol assène alors ses propositions pour récupérer son aimée : emménager ensemble ? Non. Un simple dîner ? Non plus.

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Face à l’affirmation nouvelle de Therese, que cette histoire puis l’éloignement ont fait mûrir, Carol laisse enfin tomber l’armure. « Je t’aime », lâche-t-elle soudain, sans plus de contrôle. Therese n’a pas le temps de réagir : une vague connaissance les interrompt et l’emporte ailleurs, dans une fête qu’elle traverse en flottant, désincarnée. Elle s’y fera même approcher par une autre femme (Carrie Brownstein). Mais Therese préfère fumer des cigarettes pensivement aux toilettes. On frappe à la porte. « Désolée, je sors dans une minute ! » (« I’ll be out in a minute! », savoureux double sens en anglais qui permet aussi de comprendre : « Je sors du placard dans un instant ! »)

Therese a pris sa décision. Elle file au restaurant en taxi. Quand elle entre dans la salle bondée, la caméra bascule vers son point de vue subjectif. Elle se met en marche vers Carol, mondaine au milieu d’inconnus, ignorante encore que son vœu le plus cher est sur le point d’être exaucé. Therese avance, la caméra tremble, l’image ralentit. La procession semble durer des heures. Et puis, enfin, après un sourire pincé à l’un des convives, Carol la voit.

Cate Blanchett plante son regard dans la caméra – les yeux de Therese. Celle-ci s’arrête, le cadre se desserre lentement, comme pour libérer son cœur, elle esquisse un imperceptible sourire. Le dernier plan zoome sur le sourire, celui-là rassuré, de Carol, qui a compris que, cette fois, Therese l’a choisie et assume d’être avec une femme. Un plan final inoubliable, qui marque l’un des très rares happy ends de l’histoire du cinéma lesbien.

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