I.A. QUOI ? · Réparer le « Pôle Express » de Robert Zemeckis, bonne ou mauvaise idée ?

[L’édito de Julien Dupuy] Et si on vous disait qu’un youtubeur avait retouché les images parfois sans âme du film « Le Pôle Express » de Robert Zemeckis, vous auriez envie de voir ?


Le Pôle Express
"Le Pôle Express" de Robert Zemeckis © D.R.

Dans l’Histoire technologique du cinéma Le Pôle Express de Robert Zemeckis est une œuvre fascinante à double titre. D’une part, ce film fut le premier à être conçu intégralement selon les principes du « Cinéma Virtuel », autrement dit en captant le jeu des comédiens via la capture de mouvement, pour ensuite insuffler leurs interprétations sur des personnages numériques.

Outre une quantité délirante de jeux vidéo, cette méthodologie de travail fut adoptée, notamment, par Steven Spielberg sur Ready Player One et par James Cameron sur les opus d’Avatar. Mais le film est surtout resté dans l’Histoire du cinéma en tant qu’échec technologique flagrant. Le regard mort des personnages, leur déplacement rigide, trahit les limites de l’image de synthèse de l’époque et est même devenu un cas d’école à éviter dans la reproduction numérique d’humains.

Or l’élasticité toujours plus grande des images permise par les I.A., a donné l’occasion à Tim Simmons de la chaine Theoretically Media, de « réparer » Le Pôle Express, autrement dit de retravailler plusieurs séquences du film grâce aux I.A., pour en accentuer le photoréalisme avec un résultat plutôt convainquant. On peut ainsi imaginer qu’à l’avenir, des cinéphiles puissent, via les I.A., rectifier les incrustations de volatiles très grossières des Oiseaux d’Alfred Hitchcock, corriger la couleur orangée du faux sang du Zombie de George Romero dû à un souci de pellicule, ou animer le faux bébé de American Sniper de Clint Eastwood, qui a valu au film quantité de moqueries.

Seulement, suite à ces retouches I.A. sur Le Pôle Express, l’un des animateurs du film, Michael L. Mumbauer, a réagi sur la toile. Si ce test l’a fasciné, à tel point qu’il s’y est lui-même essayé, il rappelle deux choses essentielles. En premier lieu, ce film reste la vision, quand bien même controversée, d’un auteur, Robert Zemeckis. Se permettre de la corriger, même avec les meilleures intentions, reste une atteinte à l’intégrité de l’œuvre. Mais surtout, Le Pôle Express est, avec ses innombrables défauts, une prouesse éloquente de l’état technologique du cinéma au début des années 2000, lorsque « terminer ce film relevait du miracle », comme le souligne Mumbauer.

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Si cette tentative de rectification est tentante sur les films les plus perfectibles techniquement, il ne faut néanmoins pas oublier que chaque film est aussi le témoin de son époque, d’un état spécifique de cet art technologique en perpétuelle mutation. Et il en va de même, évidemment, avec les I.A. qui progressent très rapidement techniquement. Et c’est aussi en tant que tel qu’il faut respecter, apprécier et célébrer ces œuvres, y compris voire surtout avec tous leurs défauts.

En + Nous vous conseillons de visionner l’épisode intégral de Theoretically Media sur Le Pôle Express, notamment pour découvrir la conception de ces réparations, bien plus complexes et chronophages qu’on ne pourrait le penser.

En + Bradley Cooper parle du tournage avec le fameux faux bébé d’American Sniper : « Je n’arrivais pas à croire que nous étions en train de travailler avec un bébé en plastique, je me disais : ‘C’est dingue !’ »

I.A. PLAYLIST

Ben Affleck propose des réflexions très pertinentes sur l’émergence de l’I.A. dans l’industrie du cinéma lors d’une conférence organisée par CNBC (en anglais).

Le réalisateur allemand Martin Haerlin s’est amusé à remplacer les armes à feux de films d’action comme John Wick ou The Killer par… des cônes glacés !

Lors du dernier Consumer Electric Show de Las Vegas, VideoLAN, à qui l’on doit le lecteur multimédia VLC, a annoncé qu’ils adoptaient l’I.A. pour proposer à ses utilisateurs une création instantanée de sous-titres dans une centaine de langues.

Mad Magazine
© Capture d’écran Instagram de Mad Magazine

Le magazine de bande dessinées satirique américain Mad Magazine vient de sortir un numéro se moquant de l’I.A., avec une couverture alternative aussi drôle que bien vue.