
Ce motif discret revient sans cesse dans l’œuvre du cinéaste, la preuve par l’image.
Lorsque l’on pense à la façon dont Robert Bresson a révolutionné le cinéma, c’est d’abord le son qui vient à l’esprit. Le bruit d’une cuillère qui gratte dans Un condamné à mort s’est échappé, comme une promesse fragile de liberté; les sabots d’un cheval dans Lancelot du Lac, transformés en mélodie lancinante.
On pense moins souvent à un autre grand motif de sa filmographie, que cette vidéo-essai de Alexander Melya explore avec habileté: la chute. Elle sert souvent à exprimer la déconnexion des êtres avec leur environnement. Désarticulés, les corps des personnages bressoniens évoluent avec difficulté dans le monde, se heurtent à la pesanteur du réel, se meuvent comme des pantomimes.
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La chute peut aussi drôle, improbable, introduire une rupture de ton dans un récit grave. Le fracas d’un objet, d’un miroir brisé, annonce souvent l’effondrement d’un corps, la mort. Chez Bresson, on déchire beaucoup de lettres, qu’on jette au feu dans un mouvement furieux et précis, pour balayer le malheur, on casse des verres comme si le mauvais sort était déjà une fatalité. En tout cas, la chute est toujours l’affaire de rimes visuelles, d’effets esthétiques savamment répétés avec une précision chirurgicale.
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