« L’homme d’argile » d’Anaïs Tellenne : sculpter le désir

[CRITIQUE] Par le biais d’un regard amoureux sur des corps débarrassés des diktats, le premier film d’Anaïs Tellenne modèle un univers d’un romantisme total, dans sa forme splendide comme dans le réenchantement qu’il offre à ses personnages.


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Raphaël (Raphaël Thiéry), cornemuseur amateur d’une cinquantaine d’années, vit avec sa mère aux abords d’un petit château isolé dont il a la garde. Une nuit, la plasticienne Garance Chaptel (Emmanuelle Devos), en proie à une crise, demande l’accès au manoir, dans lequel elle va séjourner plusieurs semaines. Affleure entre elle et le gardien une complicité nimbée de silences et d’un irrépressible désir de création…

Partout dans L’Homme d’argile ondoie le rêve, la possibilité du conte, ce qui doit beaucoup à la poésie des nuits américaines (des scènes tournées de jour, mais qui répliquent la nuit par des effets de lumière) signées Pierre W. Mazoyer. Dans les motifs qu’il emprunte à La Belle et la Bête, mais aussi au mythe du golem, être mutique d’argile conçu pour défendre son créateur, le film questionne la malléabilité du rapport entre l’artiste et son sujet.

Le lien qui s’invente entre Raphaël et Garance évite l’ascendance, se fait transformation, et met à jour la nécessité d’un renouveau du regard. Dans cette fable où perce un humour tendre, il n’est d’autre monstre que la façon dont on se considère soi-même. Anaïs Tellenne observe ses personnages dans tous les paysages sur lesquels leurs corps laissent une empreinte. Son film gronde d’amour – et d’une bande originale stellaire – pour ces vies que l’art inonde.

L’Homme d’argile d’Anaïs Tellenne, New Story (1h34), sortie le 24 janvier