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Le film du soir : « Belle Épine » de Rebecca Zlotowski

  • Léo Soesanto
  • 2020-03-31

Sorti en 2010, Belle Épine  de Rebecca Zlotowski est un très beau portrait de jeune fille à fleur de peau. Où une Léa Seydoux parfaite fait son deuil en se perdant dans les courses de motos clandestines. 

Belle Épine est le genre de rose noire entêtante que l’on déniche dans le bouquet parfois défraîchi que composent les premiers films français. Oui, le film de Rebecca Zlotowski nous parle encore d’ados, de deuil et de rite de passage : la jeune Prudence (Léa Seydoux) perd sa mère et se perd dans le milieu des courses de motos clandestines organisées à Rungis à la fin des années 1970. Mais le portrait attendu de jeune fille en fleur fait ici place à une âpreté délicieuse, où Léa Seydoux fait merveille en plante d’un jardin de pierres, qui sait à la fois croître et se rétracter dans un même plan.

Dès la première scène, elle est déshabillée, fouillée au corps car accusée de vol à l’étalage, mais on ne voit d’elle que sa carapace de dure à cuir, faite pour le perfecto. Belle Épine excelle à traverser les genres. D’une sensibilité écorchée qui renvoie à Maurice Pialat (Agathe Schlencker a l’air d’avoir été téléportée de Passe ton bac d’abord), on passe aux climats fantastiques d’un John Carpenter lorsque le film évoque le Rungis 1977, rock’n’roll et nocturne. Un monde parallèle qui dépasse l’idée de nostalgie et de reconstitution.

Belle Épine impressionne aussi par son travail sonore, tout d’abord pour son excellente bande originale signée Rob (entre autres clavier de Phoenix sur scène), comme sortie d’un Dario Argento inédit. À qui veut prêter l’oreille, le film regorge aussi de détails sonores signifiants : le passage en revue des vinyles chez la copine, déterminant pour en cerner l’identité ; un morceau de piano à quatre mains entre deux sœurs; un sonotone que l’on met même si on n’est pas sourde, pour se rapprocher de quelqu’un. «Je n’ai aucune idée de l’effet que ça fait, nous a confié Rebecca Zlotowski. J’ai postulé que ça amplifiait le son, mais je préfère imaginer.»

Une telle attention au son est naturelle pour la réalisatrice, qui a coécrit pour le dernier album d’Alizée la chanson Grand Central. Elle raisonne encore en termes musicaux quand elle nous dit que « la chanson qui résume le plus Belle Épine, c’est Surrender de Suicide ». Une ballade titubante idoine pour la reddition de Prudence à l’aube, triste mais pleine de promesses. Belle Épine raconte cet état second des heures indues, ce flottement délicieux et un peu coupable d’après une nuit trop blanche, lorsque l’on sait qu’un jour nouveau pointe.

Le film est disponible en VOD juste ici

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