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« Quizas » de Nicolas Saada

  • Léa André-Sarreau
  • 2020-04-28

Huis clos, solitude, observation laconique du monde, temps ralenti : dans cet essai en forme de balade cinéphile, le réalisateur fait résonner de célèbres plans de chef-d’oeuvres avec certains effets secondaires du confinement.

Il suffit d’un coin de fenêtre silencieux pour observer les infimes secousses du monde, ses changements secrets, ses drames invisibles. Ceux que l’on aurait pas vu habituellement, noyés dans le bruit et la fureur du quotidien. Ce n’est pas le photographe voyeuriste joué par James Stewart dans Fenêtre sur cour d’Alfred Hitchcock, ni la journaliste de Soeurs de Sang de Brian De Palma, convaincue d’avoir assisté à un meurtre à travers ses carreaux, qui diront le contraire. En ces temps de confinement, ces micro-fictions improvisées s’offrent à nous comme des écrans de cinéma, dont le réalisateur et scénariste Nicolas Saada (Les Parallèles, Espions, Taj Mahal, Thanksgiving) s’est inspiré pour son court-métrage Quizas.

Tourné dans le cadre des « Lettres au cinéma », un cycle de « films brefs comme un message, conçus et fabriqués avec les moyens du bord, avec trois fois rien » imaginés par des monteurs, acteurs, étudiants, et mis en ligne sur la chaîne Vimeo de la Cinémathèque, le film débute par des images bruyantes d’un autre temps, où les cortèges de manifestations occupaient les rues. Puis vient le silence, l’absence et le repli. De son appartement, le cinéaste capture les artères désertes de la ville rendues infinies par le reflet de sa vitre, la symétrie angoissante des immeubles voisins comme des petites prisons indifférentes. Heureusement, l’imaginaire prend vite le relais: à travers une série d’extraits de films, qui montés bout à bout, se métamorphosent en balade cinéphile, le spectateur revit sa propre expérience de confinement au prisme de la fiction.

D’abord avec le personnage alcoolique de Maurice Ronet en pleine cure de désintoxication dans Le Feu Follet de Louis Malle, enfermé entre quatre murs, dont les journées sont rythmées par le tic-toc de l’horloge et les cloches d’église, puis avec Martin Sheen, observant avec inquiétude derrière ses persiennes le monde chaotique qui l’avalera dans Apocalypse Now de Francis Ford Coppola. Par un effet de ricochets, le film joue de rimes visuelles, d’échos lointains pour mettre en miroir le spleen de Monica Vitti dans L’Éclipse de Michelangelo Antonioni, le flottement irréel de Natalie Portman dans Jackie de Pablo Larraín, la lassitude du luxe qu’éprouve Matt Damon dans Ma Vie avec Liberace de Steven Soderbergh, le vague-à-l’âme muet de Tony Leung dans In the Mood for Love de Wong kar-wai. Autant de visages familiers qui nous rappellent que le cinéma est une solitude partagée, nourri d’images collectives.

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  • court-métrage
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