Théâtre : Julien Gosselin reprend « Le Passé », un chef-d’œuvre oublié

Julien Gosselin reprend « Le Passé », qui créa la surprise en 2021. Le metteur en scène dit « ultracontemporain » embrasse l’œuvre d’un auteur russe oublié après la révolution bolchevique de 1917 dans un ensemble complexe et bien mené où se dessine la brutale misogynie du monde.


Le Passé de Julien Gosselin © Simon Gosselin
© Simon Gosselin

Exit les textes actuels et les scénographies épurées : dans un décor bourgeois du xixe siècle, costumes d’époques compris, Julien Gosselin explore ici le passé dans sa capacité à résonner avec notre présent à travers le destin d’Ekaterina Ivanovna (incarnée par Victoria Quesnel), héroïne maudite de Leonid Andreïev (1871-1919), auteur russe qui l’est tout autant. Ivanovna s’effondre psychologiquement après que son mari tente de l’assassiner, persuadé qu’elle l’a trompé avec un ami…

Après son 2666 (2016), d’après le roman inachevé de Roberto Bolaño qui retrace une série de meurtres de femmes sur plusieurs années au Mexique, Gosselin montre de nouveau un monde sclérosé par une misogynie brutale et destructrice. Tant par sa thématique que par sa durée (4 h 20), Le Passé reste fidèle au théâtre de Gosselin, dense et éprouvant.

Déployée en quatre actes, la descente aux enfers de l’héroïne suit le fil de la pièce Ekaterina Ivanovna (1912), en dévoilant par fragments quatre autres textes d’Andreïev : la pièce Requiem et trois nouvelles (Après le brouillard, L’Abîme et La Résurrection des morts). Projetée sur un grand écran – un des gimmicks du metteur en scène –, la pièce, filmée en direct, déploie une diversité de points de vue tout en jouant sur le conflit entre les deux espaces scéniques superposés.

Dans cette composition complexe, rythmée par une douce musique electro, passé, présent et futur se conjuguent. À tous les temps, le machisme et la noirceur d’un monde malade jaillissent.

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Le Passé de Julien Gosselin, à l’Odéon – Théâtre de l’Europe, du 13 septembre au 4 octobre