
Jamais Roger Corman n’aurait cru, en réalisant en 1960 une improbable comédie d’horreur à tout petit budget tournée en à peine quelques jours, qu’elle se jouerait en 2025, en français et en chanson sur la grande scène d’un théâtre parisien. C’est toute l’histoire folle de cette série B (où apparaît Jack Nicholson), devenu un improbable succès de Broadway aux airs entêtants qui réinvente la comédie musicale avec une grosse dose d’humour gore et de style.
Et qui mieux que le duo Valérie Lesort-Christian Hecq, orfèvres d’un théâtre mutant plein de marionnettes et de visions burlesques inoubliables, pour mettre en scène, chez nous, l’odyssée sanglante de Seymour, gentil fleuriste timide et sa rencontre avec Audrey II, plante très carnivore venue d’ailleurs ? Composée et écrite en 1982 par Howard Ashman et Alan Menken (La Belle et la Bête, La Petite Sirène, Aladdin, c’est eux), La petite boutique des horreurs s’invente sur scène comme une version déglinguée de Grease où le rockabilly, le doo-wop et le girls band façon Ronettes font swinguer un cauchemar rigolo plein de cadavres et tracent le portrait d’une Amérique à bout, peuplée de personnages dingos.
Reprenant l’excellente adaptation en VF signée Alain Marcel, Lesort et Hecq s’en donnent à cœur joie, poussent les curseurs, les couleurs et assument le camp en grand. Entre le tango d’un dentiste sadique, les refrains endiablés du chœur ultra looké et une plante carnivore crooner, le spectacle file à toute allure, enchaîne les mélodies et les morceaux de bravoure avec une troupe et un orchestre au diapason. Plus Audrey II a faim et plus la comédie déraille et se fait sombre, mais toujours avec la légèreté et l’invention des grands musical.
● ● À LIRE AUSSI ● ● Théâtre : Julien Gosselin reprend Le Passé, un chef-d’œuvre oublié