
Bien. Maintenant que votre regard est passé du titre au texte, je me dois de vous dire que non, désolé, ça n’a rien à voir avec ce que vous pensiez. Oui, vous y pensiez. Oui, je savais que vous alliez y penser. Et oui, c’était une technique dont je ne suis pas franchement fier pour attirer votre attention. Mais écoutez, au milieu de toutes ces pages, il faut bien trouver un moyen d’exister.
Dans la vie, tout est une question d’assurance. En tout cas, c’est ce que les écoles de commerces option Connemara essaient de nous faire croire. Le fameux « Fake it until you make it » devenu un mantra prononcé d’un air profond par des gens qui, à chaque conversation, veulent rentabiliser leurs heures sur Duolingo. Fais semblant jusqu’à ce que ça marche. OK, et on fait comment ? Peut-être faut-il un peu d’élan. Est-ce qu’un million d’abonnés, ça suffit pour se donner confiance ? Je suis certain qu’à quelques minutes de monter sur scène pour son premier seul en scène Moguiz me dirait non.
Le garçon, star des réseaux avec ses sketchs à perruques, rencontre le public dans un spectacle sobrement intitulé Coucou ! Deux syllabes qui disent tout. La peur de déranger, la peur de s’affirmer, tout ça enrobé dans un mot mignon qu’on ne peut s’empêcher de faire monter dans les aigus. Comme pour s’excuser d’être là. Faites le test, allez-y. « Coucou », c’est le « Bonjour » pas bien certain d’être correctement accueilli, mais qui se donne du courage. Alors Moguiz décide de jouer les bêtes de scène : entrée tonitruante, adresse au public, irrévérence et pyrotechnie, toute la panoplie du show gonflé à bloc. Un habit trop grand pour lui dans lequel il flotte, l’air paniqué. Une antiperformance qui rend le public complice, attentif et hilare. D’un côté, les monstres du quotidien, pleins de certitudes, qu’il incarne dès qu’il enfile une perruque ; de l’autre, la fragilité tordante d’un comédien perplexe à qui on a dit qu’il fallait occuper l’espace. Alors il fait comme il peut.
Et, dans cette époque instagrammée, finalement c’est peut-être ça qui nous sauvera. Faire semblant, tous ensemble. Pas pour convaincre, non. Juste se donner du courage. Et rien de mieux que le play-back pour ça. Une fois par mois, sur la scène de Paris Lip Sync, n’importe qui peut devenir une pop star. Un concours de play-back qui tient surtout d’une fête joyeuse durant laquelle ton meilleur pote peut se prendre pour Larusso, et ta voisine, pour George Michael. Des performances avec parfois des chorégraphies et des costumes, ou bien simplement l’énergie (du désespoir) pour ambiancer une salle qui tient autant de la teuf que de la kermesse où tout le monde encourage sa progéniture. Ici, ce n’est pas la perfection qui compte, c’est le kif. La preuve que simuler, c’est avant tout une question de plaisir. Et oui, là, c’est bien ce à quoi vous pensez.
• Coucou ! de Moguiz et Thibault Segouin, au théâtre du Petit Saint-Martin, jusqu’au 8 juin
• Paris Lip Sync, tous les deux mois aux Étoiles, prochaine soirée le 26 juin