Ce podcast en forme de road-trip auditif nous promène à travers les lieux et les livres qui ont façonné l’oeuvre humaniste du cinéaste polonais  Krzysztof Kieślowski (La Cicatrice, Tu ne tueras point, Brève histoire d’amour) et explore sa méthode de travail instinctive par le prisme de témoignages passionnants.

On le connaît chef de file du cinéma de l’inquiétude morale – courant politique et social lancé en 1975 par de jeunes artistes polonais pour protester contre le régime communiste liberticide -, réalisateur boulimique de documentaires jusqu’aux années 1970. Mais aussi auteur du Décalogue, cycle moral vertigineux en 10 épisodes inspirée des dix commandements, et de la trilogie des « Trois Couleurs » explorant avec amertume et ironie la devise de la France « Liberté, Egalité, Fraternité ». On connaît moins la vie nomade, pleine d’errances – tant intérieures que physiques – de Krzysztof Kieślowski.

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C’est pourquoi l’émission Une Vie une oeuvre, propose de relire l’oeuvre de Krzysztof Kieślowski de façon plus intime, en traversant d’abord les lieux qui l’ont hébergé – sa Pologne natale où il fréquentait le cinéma de quartier, son atelier parisien en face du cimetière Montmartre – et nourri son oeuvre – comme cette brasserie fétiche de la place Clichy devenue son QG, où il tournera cette sublime séquence de Trois Couleurs: Blanc dans laquelle Zbigniew Zamachowski observe son épouse (Julie Delpy) faire l’amour à un autre homme par le prisme d’ombres chinoises.

Grâce à l’analyse d’Alain Martin, spécialiste du cinéaste polonais, le podcast nous plonge dans les inspirations littéraires tchékhoviennes de Krzysztof Kieślowski, dont l’oeuvre est pétrie de thèmes existentiels, de questionnements sur les valeurs morales qui en disent plus long qu’un manuel de philo : jusqu’où peut-on exister aux yeux des autres sans sacrifier ce que l’on est ? le sens du devoir est-il toujours désintéressé ? La force du collectif peut-elle venir à bout de l’égoïsme? Avant de nous conduire vers une analyse plus cinématographique du « style Kieślowski », caractérisé par une tension entre une écriture romanesque à rebondissements, une esthétique baroque soignée (chaque plan de Rouge contient par exemple une nuance de cette couleur aussi chaude que dangereuse), et une grande simplicité des sentiments.

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Mais si on vous recommande vivement ce podcast, c’est surtout pour la mosaïque de témoignages riches qu’il propose, et qui en dit long sur la méthode de travail intuitive, la direction d’acteur presque sauvage de Kieślowski. S’il fallait retenir un seul de ces témoignages, ce serait celui d’Irène Jacob, héroïne troublante de La Double vie de Véronique (pour lequel elle remporta le prix d’interprétation féminine en 1991 au Festival de Cannes) et de son dernier film Rouge, où elle lie une amitié ambiguë avec Jean-Louis Trintignant: « Tourner avec lui, c’était comme un match de ping-pong (…) Il fallait venir chargé, parce que certaines scènes était violentes, révoltées, pour lesquelles on devait puiser loin ».