Vu à la Mostra de Venise 2025 : avec « The Smashing Machine », Ben Safdie filme Dwayne Johnson comme on ne l’a jamais vu

Ben Safdie livre un film plus calme que ses précédents, pour raconter un segment de vie de Mark Kerr, ex champion de MMA addict aux opioïdes. Et fait éclore de Dwayne Johnson une émotion inattendue.


the smashing machine
The Smashing Machine

The Rock. Dwayne Johnson n’a jamais aussi bien porté son sobriquet que dans ce film nerveux de Ben Safdie – son premier en solo, après deux réalisations avec son frère Josh, Good Times et Uncut Gems. D’emblée, The Smashing Machine (présenté en Compétition) assume une dévotion pour le corps irréel, noué de muscles et suintant de son interprète. Le corps comme pur show, comme spectacle et performance, mais aussi comme prison mentale. Comment ne pas s’auto-détruire quand le corps est un gagne-pain, un outil de travail ?  Vrai sujet de ce film qui est aussi un faux biopic, un faux film de sport tendu et calme, tourné vers l’obsession dévastatrice de son héros pour la victoire, le gain.

L’histoire de Mark Kerr, numéro un mondial du MMA à la fin des années 1990, pourrait être celle de n’importe quelle autre rock star addict à la scène, au ring. Ben Safdie la filme sur le mode épuisant de la hantise, de l’idée fixe. Si bien que la mise en scène cherche, à mesure que son héros perd pied, l’épuisement du spectateur, le point de rupture, le basculement. The Smashing Machine ressemble, dans son montage et ses cuts elliptiques, à une pulsation prolongée – les gros plans s’enchaînent et vibrent, les zooms et dézooms donnent à cette vie sacrifiée sur l’autel du sport des airs de course contre la mort.

Cette course n’a pas l’intensité du cauchemar éveillé de Good Time ou du chaos urbain de Uncut Gems. Ben Safdie semble ralentir, décélérer son cinéma à vif, calmer le feu tragique qui l’anime. Mais il partage avec ces autres films une poétique des visages, qui en dit long sur l’amour que le réalisateur porte à son personnage.

Comme le braqueur-looser de Good Time (Robert Pattinson), comme le recéleur-magouilleur pathétique de Uncut Gems (Adam Sandler), Dwayne Johnson est trop, too much, bigger than life. Jusqu’à ses épaules gonflées, toujours prêtes à déborder du cadre. Sa quête de perfection pourrait être risible. Ben Safdie la regarde avec une infinie tendresse, l’explore avec humour dans les interstices inattendues de la vie quotidienne, au détour d’une sortie à la fête foraine, jusque dans sa relation tumultueuse avec sa femme Dawn (Emily Blunt). Il ne prive jamais ses personnages de l’intelligence que l’on serait tenté de leur enlever. Il ne juge par leurs rêves, aussi maso et perdus d’avance soient-ils.  

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