
Qu’est-ce qui vous a donné envie de passer à la réalisation ?
J’ai envie de réaliser depuis que je suis enfant. J’ai pensé que je serais d’abord actrice [elle a obtenu son premier rôle au cinéma à 10 ans dans L’Irrésistible North de Rob Reiner (1994), ndlr] puis qu’à l’âge adulte, je passerais à la réalisation. Mais en vieillissant, j’ai cherché à mieux comprendre mon métier d’actrice, ça a pris le dessus et l’idée de passer derrière la caméra m’a paru moins intéressante. Je pense qu’une fois qu’on se met sur ce chemin de compréhension du jeu d’acteur, la connexion entre le fait de jouer et celui de réaliser s’éloigner un peu. Mais aujourd’hui, c’est le bon moment. Je n’aurais pas eu la confiance nécessaire pour réaliser avant. Je comprends mieux les acteurs maintenant, ce qui me donne plus d’assurance en tant que réalisatrice.
Au cœur de ce film, il y a l’amitié très forte entre Eleanor et Bessie, deux nonagénaires, meilleures amies depuis des décennies, mais aussi Eleanor et Nina, une jeune étudiante qu’Eleanor rencontre à New York. Qu’est-ce qui vous a plu dans l’idée de porter à l’écran ces amitiés féminines, un thème rarement représenté sur grand écran ?
Je n’ai pas abordé ce film en me disant : « C’est un sujet important, on devrait voir ça plus souvent à l’écran ». Mais ce sont des amitiés sincères, profondes, très émouvantes et le fait que le public puisse ressentir de l’empathie, de la compassion ou une forme de tendresse pour ce qu’il voit à l’écran, c’est extraordinaire. Pouvoir apprécier la profondeur des relations intimes entre les personnages, c’est ce que j’aime quand je vais au cinéma.
Le film dresse le portrait d’un personnage atypique : Eleanor, une femme de 95 ans, pleine de vie et incarnée par la géniale June Squibb.
J’ai découvert ce scénario [écrit par Tory Kamen, ndlr] parce que June Squibbétait déjà sur le projet. J’adore son travail et j’avais envie de voir ce qu’elle avait envie de faire ensuite. À la lecture du script, j’ai été très surprise. J’ai tout de suite ressenti une familiarité avec l’histoire, le lieu, le langage, le vocabulaire des personnages. Ce portrait d’une femme et de sa vie intérieure m’a rappelé les films, très ancrés à New York, que j’aimais plus jeune : D’une vie à l’autre de Richard LaGravenese (1998), certains des films de Woody Allen, Izzy et Sam de Joan Micklin Silver (1988).
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Justement, le film se déroule en grande partie à New York. Comment s’est organisé le tournage dans cette ville ?
J’habite ici, j’ai grandi ici, j’y ai beaucoup travaillé et New York peut être une ville assez difficile pour un tournage. Il s’y passe toujours énormément de choses, c’est une ville assez indisciplinée. Pour avoir un environnement de travail à peu près bienveillant, il faut que votre équipe de tournage arrive à négocier avec les habitants. J’ai souvent tourné dans cette ville et parfois c’était impossible de travailler entre les paparazzis et les passants. Là, on a tourné en hiver, avec une petite équipe, j’espérais qu’on passe incognito. Ça été le cas et je crois que c’est la première fois que j’ai vraiment aimé tourner à New York. C’était un vrai plaisir de tourner avec autant de liberté dans la ville et puis je pouvais rentrer chez moi le soir, c’était génial.
Depuis 2021, vous êtes également productrice des projets sur lesquels vous travaillez : Black Widow (2021), To the Moon (2024) mais aussi Eleanor the Great (2025). Qu’est-ce que ça a changé pour vous ?
La production et le développement, ça m’intéresse depuis longtemps. C’est un travail différent à chaque projet. Pour Eleanor the Great par exemple, le film nous est arrivé avec un peu d’argent de développement, mais il a fallu trouver d’autres financements. Il y avait des révisions de scénario à faire, il restait encore toute la production à mettre en place. Quand je joue dans un film que je produis, comme To the Moon justement [réalisé par Greg Berlanti, elle y incarne une experte en marketing chargée de redorer l’image de la NASA, ndlr], il arrive un moment pendant le tournage, où je dois me concentrer sur mon travail d’actrice. Alors mes partenaires de production, Jonathan Lia et Keenan Flynn prennent le relais. L’essentiel, c’est que tout ce qu’on produit soit efficace. Et après avoir travaillé pendant tant d’années sur des projets très variés, on apprend à simplifier les processus, à les rendre plus fluide et efficaces.
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Quels films vous ont inspirés pour faire le vôtre ?
C’est difficile de répondre précisément à cette question parce que j’aime tous types de films. Les grands films d’action, les films d’animation, les récits plus intimes centrés sur des personnages comme celle que je viens de réaliser, les comédies romantiques…Tout. Je ne regarde pas forcément un film en me disant : « Tiens, j’aimerais faire quelque chose comme ça ». En tant que réalisatrice, je serais tout aussi heureuse de faire un blockbuster grand public qu’un film indépendant plus intimiste, comme Eleanor the Great. Ça doit venir de mon amour pour le cinéma en général, et de mon intérêt pour ce que va ressentir le public. Ce qui m’anime, c’est de créer quelque chose qu’ils auront envie de découvrir, qui les touchera et les divertira.
Eleanor the Great de Scarlett Johansson, Sony Pictures (1 h 38), sortie le 19 novembre