Mostra de Venise 2025 : « Late Fame » de Kent Jones, le voile des illusions

Dans un New York étrangement intemporel, Kent Jones filme la renaissance éphémère d’un poète oublié, dont l’œuvre est exhumée par un cercle de dandys. Un beau film morose sur les illusions perdues.


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Late Fame s’ouvre sur des archives grisonnantes de grattes ciels new-yorkais tout droit sorties du passé – avant de retrouver la trace du présent auprès de son personnage principal, Ed Saxberger (William Dafoe), obscur poète lui aussi d’un autre temps. Dans les années 1970, il a publié un recueil aussitôt enterré. Le jour où un jeune esthète lui propose d’intégrer un groupe d’artistes qui adulent son art et veulent le réhabiliter, Ed se laisse happer par le mirage des louanges, et le charisme de Gloria, une actrice (Greta Lee) aux yeux tristes qui rêve de devenir sa muse.

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Sorte de rise and fall inversé, le film de Kent Jones n’est pas tant la chronique d’un retour sur scène que la dissection, ironique et méchante, d’une étrange adulation qui vire à la néantisation. Kent Jones croque avec une verve satirique cette micro-société de dandy qui se soulent à l’absinthe, les dépeint comme des vampires lugubres lancés sur leur proie – un homme simple qui n’a plus envie d’écrire, mais juste d’aimer. Il y a quelque chose d’un peu désuet, presque momifié, dans sa façon de ressusciter l’ambiance d’un Greenwich Village perdu à tout jamais, carte postale mentale impossible à retrouver.

À mesure que les conversations creuses s’étirent, que les fondus enchaînés et les flous se multiplient, Ed semble réaliser que l’art comme sacerdoce n’est qu’une vaste fumisterie. Le film serait cruel s’il n’offrait pas à son héros principal, au moment de sa chute, l’ironie élégante de ceux que l’histoire n’a pas choisi de retenir.

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