
Filmer la guerre sans filmer la guerre, ou plutôt saisir ce que la guerre transforme à l’échelle d’un pays sans enregistrer le moindre conflit armé, c’est le principe de L’Invasion : documentaire, conçu à la base comme une série, constitué d’une multitude de fragments sur la vie quotidienne en Ukraine.
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Dans cette version cinéma sont réunies et condensées diverses situations : une cérémonie religieuse, la naissance d’un enfant, un baptême collectif, une leçon de géographie donnée à des petits, mais aussi une distribution alimentaire, des vétérans en rééducation, un entraînement à l’arme à feu… Mises bout à bout grâce à un montage éloquent, proche des grandes mosaïques de Frederick Wiseman dont le film semble s’inspirer (Welfare ; Monrovia, Indiana ; City Hall), ces saynètes, tantôt ironiques, tantôt tragiques, apparaissent alors dans leur pleine théâtralité : chacun y joue une partition et cherche sa place sur scène.
Avec son cadrage rigoureux et souvent distant, Sergueï Loznitsa illustre avec précision combien les hommes et les femmes, lors d’un conflit de grande envergure, sont voués à ritualiser leur existence. Du berceau au cercueil, c’est la vie elle-même qui finit par être envahie par le spectre – mortifère et théâtral – de la guerre.
L’Invasion de Sergueï Loznitsa, Potemkine Films (2 h 25), sortie le 8 octobre