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« Leto » de Kirill Serebrennikov : Leningrad calling

  • Quentin Grosset
  • 2018-12-04

Avec une grâce désinvolte et une mélancolie enveloppante, Kirill Serebrennikov signait en 2018 cette fresque libertaire sur le punk russe des années 1970-1980. Alors qu’il présentait il y a quelques jours à Cannes « La Femme de Tchaïkovski » (sélectionné en Compétition mais reparti bredouille), Arte rediffuse ce 30 mai à 22h20 le très beau film du cinéaste russe.

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On se croirait dans des bastions bien connus du punk, peut-être Londres ou Manchester ; mais non, on est bien à Leningrad à l’aube des années 1980. En suivant, le temps d’un été, l’itinéraire des musiciens charismatiques Mike Naumenko et Viktor Tsoï, deux icônes disparues respectivement en 1990 et 1991, et de leur communauté dégingandée, Kirill Serebrennikov s’empare avec lyrisme et légèreté de la mythologie du rock eighties russe, oscillant entre un humour grinçant façon 24 Hour Party People de Michael Winterbottom et un ton plus cafardeux à la Control d’Anton Corbijn.

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C’est d’abord bien sûr la stupeur qui prend à la vision du film : on découvre que, sous Brejnev en U.R.S.S., des subcultures constituaient des blocs de défoulement juvénile et de vitalité créative, pas vraiment clandestins, mais relativement souterrains – le punk rock est dépeint comme accepté par l’État, mais les acteurs de cette scène doivent redoubler d’inventivité pour contourner la censure, particulièrement insidieuse, et l’injonction à la discipline (ce qui résonne bien sûr avec l’assignation à résidence du réalisateur jusqu’en août dernier, officiellement pour fraude, officieusement parce qu’il gênait le pouvoir de Moscou).

Pendant les concerts, il est par exemple interdit de jouer trop fort, et le public est sommé de rester assis. À plusieurs reprises dans le film, la comédie musicale s’invite alors, signalée par une incursion fièrement crade de l’animation ainsi que des standards (du David Bowie, du Iggy Pop) qui disent une certaine fascination pour la contre-culture de l’Ouest et viennent souligner l’envie d’en découdre avec l’ordre ambiant.

D’où aussi une vision différente et implicitement contestataire du romantisme : le mentor Naumenko accepte que sa femme, Natasha, ait une relation parallèle avec son disciple, Tsoï, en passe d’ailleurs de devenir un artiste plus influent qu’il ne l’a jamais été. Les modalités de ce ménage à trois ne sont jamais observées avec drame ou cruauté, mais avec douceur et dignité, dans la lumière à la fois chaleureuse et un peu triste d’un été en noir et blanc.

: Leto de Kirill Serebrennikov KinoVista / Bac Films (2 h 06)

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