ÉDITO · « Je l’adore. » À chaque fois qu’on évoque Hafsia Herzi dans une conversation, les louanges fusent. L’actrice a été révélée en jouant, à 18 ans, dans le succès public d’Abdellatif Kechiche La Graine et le Mulet (2007, un million d’entrées dans les salles françaises). Reconnue par la profession dès ses débuts (elle décroche le prix Marcello-Mastroianni du meilleur espoir à la Mostra 2007 et le César du meilleur espoir féminin l’année suivante), elle ne s’est jamais défaite de sa popularité.
C’est qu’elle occupe une place rare dans le cinéma français : Hafsia Herzi a grandi à Marseille et vit aujourd’hui en périphérie de Nancy. Elle n’est pas issue d’une famille d’artistes et trace son sillon avec humilité, labeur et conviction pour dessiner sa filmographie tout en menant de front – et avec brio – ses carrières d’actrice et de réalisatrice. On retient particulièrement ses prestations habitées dans les très libres et sensibles Le Roi de l’évasion d’Alain Guiraudie (2009), L’Apollonide de Bertrand Bonello (2011) ou encore dans la trilogie Mektoub My Love (amorcée en 2018) de Kechiche – cinéaste qui reste une figure tutélaire pour elle.
En 2019, elle opère la bascule en jouant dans sa première réalisation de long métrage, le sublime et empreint d’un faux naturalisme kechichien Tu mérites un amour, qui entérine son talent d’actrice et la révèle comme cinéaste. Ces cinq dernières années, elle monte encore en puissance : en 2021, elle réalise Bonne Mère, un drame sur une mère-courage femme de ménage, suivi d’un téléfilm sur l’enfance La Cour (2022), chaque œuvre confirmant sa patte de réalisatrice et son goût pour les sujets non élitistes. En tant qu’actrice, Hafsia Herzi multiplie les rôles de femmes complexes, voire ambivalentes, notamment en 2023 dans le sidérant Le Ravissement d’Iris Kaltenbäck, et en 2024, aux côtés d’Isabelle Huppert, dans La Prisonnière de Bordeaux de Patricia Mazuy, étonnante variation sur la lutte des classes.
Un parcours qui trouve un apogée (« un » et pas « son » : on sait que l’artiste en a encore sous le pied) en 2025 : Hafsia Herzi remporte le César de la meilleure actrice pour son rôle de surveillante pénitentiaire en Corse dans Borgo de Stéphane Demoustier, puis, à Cannes, son film La Petite Dernière décroche la Queer Palm et le Prix d’interprétation féminine pour Nadia Melliti. Une œuvre d’une délicatesse et d’une justesse infinies (qui sort ce mois-ci) sur le parcours d’une jeune femme musulmane qui prend conscience de son homosexualité. Au vu de son triomphe, on a voulu prendre un instantané de Hafsia Herzi en faisant un point d’étape avec elle et ses proches. On a eu la joie de constater qu’elle était toujours aussi humble, soucieuse de représenter la pluralité des vies et des sensibilités, et toujours aussi tournée vers l’avenir. TIMÉ ZOPPÉ
AU SOMMAIRE DU N°219
EN BREF 🏃♀️
- Nouvelles stars : José Eduardo Castilla Ponce et Célmence Madeleine-Perdrillat
- The End : Amours chiennes d’Alejandro González Iñárritu
- Le Fashion Pack : How to look rich with pas un sou
- Règle de 3 : Mami Watta
CINÉMA 🎥
- En couverture : L’année Hafsia Herzi
- Décryptage : Le retour du goth au cinéma
- Entretien : Richard Linklater pour Nouvelle Vague
- Portrait : Rebecca Marder pour L’Étranger
CULTURE 🎨
- Spectacle : La chair est triste hélas d’Ovidie
- Expo : Echo Delay Reverb
- Série : Des vivants de Jean-Xavier Lestrade
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