
Réputé pour ses films autant tragiques (Requiem for a Dream, The Wrestler) que fantastico-horrifiques (Black Swan, Mother !), Darren Aronofsky change de registre avec Pris au piège,qui se présente comme un film de gangsters flirtant avec la comédie et l’humour noir. Écrit par Charlie Huston, qui adapte là son propre roman Caught Stealing, ce récit de galères prend place à New York en 1998 (qui se trouve par ailleurs être l’année où était sorti Pi, tout premier film d’Aronofksy).
On y suit Hank (Austin Butler), ancien prodige du baseball qui a dû renoncer à sa carrière suite à un accident de voiture et qui officie désormais comme barman. Il aime boire, passer du temps avec sa petite amie Yvonne (Zoë Kravitz) et rendre service. Ayant ainsi accepté de s’occuper quelques jours du chat de son voisin punk(Matt Smith), Hank se fait un soir sauvagement agresser sur son palier par des malfrats russes qui cherchent ledit voisin. L’innocent jeune homme se trouve alors pris dans un engrenage mêlant enquête policière, argent volé et corruption à tous les étages, et sa survie ne va plus tenir qu’à un fil.
Si les références de Pris au piège sont nombreuses (la présence de Griffin Dunne dans le rôle d’un patron de bar évoque After Hours, film de galères new-yorkaises de Martin Scorsese sorti en 1985), la violence graphique déployée par ce thriller, qui multiplie les plans sanglants et les images de plaies qui s’ouvrent, se révèle pleinement caractéristiques du cinéma d’Aronofsky.
Le cinéaste de 56 ans jette en cela sur les années 1990 de sa jeunesse un filtre sombre et désenchanté, comme pour signifier que la légèreté apparente d’une comédie potache ne saurait plus être d’actualité. C’est bien un regard contemporain qui porte le film, au détour d’un dialogue qui précise que les Russes et les Ukrainiens constituent deux nationalités très distinctes ou d’une image furtive des Twin Towers rappelant que les tours jumelles qui se dressaient encore à New York en 1998 ne font plus partie du monde de l’après-11 septembre 2001.

Au-delà d’un montage haletant et de seconds rôles hauts en couleurs (Vincent D’Onofrio et Liev Schreiber jouent avec délectation deux tueurs juifs orthodoxes tandis que Regina King s’en donne à cœur joie dans la peau d’une policière ambivalente), Pris au piège s’avère au final plus proche d’un désespoir existentiel à la Beau is Afraid d’Ari Aster que d’une comédie caustique des frères Coen.
Et le charismatique Austin Butler, qui passe le film à subir les coups, perversités et affronts d’une société ultra-violente, retrouve après son passage dans Eddington un rôle plus conséquent qui continue à explorer les déroutants dérèglements d’un imaginaire américain décidément bien mis à mal par les temps qui courent.