
Moins d’un an après la sortie de Leurs enfants après eux, réalisé par Ludovic et Zoran Boukherma, voici une nouvelle adaptation d’un roman de Nicolas Mathieu, cette fois réalisée par Alex Lutz (dont c’est le quatrième film après Le Talent de mes amis, Guy et Une nuit). L’ordre chronologique a été respecté car Leurs enfants après eux (Prix Goncourt) était paru en 2018 tandis que Connemara date de 2022. Alex Lutz souhaitait d’ailleurs au départ adapter le premier livre mais les droits étaient pris, ce qui a poussé le cinéaste à se reporter sur ce Connemara. Et cette relative frustration originelle cadre étonnamment bien avec le fond de ce récit rempli de regrets et de vague à l’âme.
Connemara raconte en effet l’histoire d’Hélène (Mélanie Thierry), une mère de famille quadragénaire ayant quitté ses Vosges natales pour travailler à Paris mais qui, suite à un burn-out, revient dans la région afin de retrouver un rythme de vie plus tranquille. C’est alors qu’elle croise un soir sur un parking Christophe (Bastien Bouillon), ancien hockeyeur et beau-gosse de ses années lycée, dont l’apparition plonge soudain Hélène vingt-cinq ans en arrière. Ces retrouvailles imprévues vont donner lieu à une liaison sentimentale entre ces deux adultes désormais émoussés par la crise de la quarantaine et le passage du temps. L’amour est-il possible entre deux personnes aux parcours si opposés ? La flamme peut-elle renaître entre celui qui n’a jamais quitté sa région et celle qui est longtemps partie expérimenter la vie à Paris ?
Si le sujet n’est pas nouveau, Alex Lutz choisit un traitement narratif et esthétique très particulier en optant notamment pour des flash-backs qui évoquent l’adolescence des protagonistes à la manière de courts plans s’arrêtant sur un détail sensoriel. Préférant ainsi de brefs éclats visuels à des séquences complètes de souvenirs, et délaissant la dimension politique du roman (qui abordait l’élection présidentielle de 2017), Lutz transforme la mémoire du passé en un monde flou, chancelant et déjà insaisissable.
Au milieu de ce dispositif intimiste, Mélanie Thierry (dont les qualités de tragédienne se confirment) et Bastien Bouillon (au jeu plus aérien, proche du personnage qu’il jouait dans Partir un jour) parviennent à donner le sentiment que leurs personnages ne vivent pas dans le même univers malgré les tentatives de rapprochement. Et Les lacs du Connemara, chanson d’ordinaire enjouée de Michel Sardou, se couvre d’une coloration lugubre et désenchantée dans une conclusion en forme de climax émotionnel où le cinéaste et son casting lâchent le contrôle.
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