« Scrapper » de Charlotte Regan : famille décomposée

[CRITIQUE] Avec ce “coming-of-age” inventif (Grand Prix du jury à Sundance et présenté au Dinard Festival du film britannique en septembre), Charlotte Regan électrise le drame social britannique, révélant au passage une nouvelle actrice stupéfiante, Lola Campbell.


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En anglais, le terme « scrapper » peut désigner quelqu’un de combatif. Un peu comme Georgie, 12 ans, protagoniste principale du premier long métrage de la réalisatrice britannique. Depuis la mort de sa mère, elle vit seule dans leur maison de la banlieue londonienne. Particulièrement futée et débrouillarde, elle parvient à survivre grâce à un trafic de vélos qu’elle organise avec son meilleur ami, Ali. L’arrivée de Jason (Harris Dickinson, découvert dans Sans filtre de Ruben Östlund et qui adopte le blond peroxydé pour l’occasion), un jeune homme qu’elle ne connaît pas et qui déclare être son père, brise le bel équilibre qu’elle s’est créé.

Sur le papier, la structure narrative de Scrapper semble assez classique : une enfant endeuillée renoue avec son père qui est parti à sa naissance. Mais, en épousant le point de vue de Georgie, Charlotte Regan parvient à faire exploser ce carcan scénaristique très exploité au cinéma, et renouvelle complètement le genre du drame social. Exit les paysages gris et mornes, la cinéaste, aidée de sa directrice de la photographie (Molly Manning Walker, réalisatrice du puissant How to Have Sex), fait le choix astucieux de peindre les décors de couleurs vives.

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Se détachant subtilement de la réalité, Scrapper crée un univers dans lequel l’imagination de la fillette semble être la seule limite. Un stratagème qui permet à Charlotte Regan de multiplier les effets stylistiques, usant d’un montage effréné et mêlant les différents genres cinématographiques : les codes du mockumentaire ou des jeux vidéo seront alors détournés lors de plusieurs saynètes réjouissantes. Car, malgré son sujet, Scrapper ne manque pas d’humour. Porté par l’énergie et l’éloquence de sa jeune interprète – Lola Campbell, une révélation –, ce premier film emporte tout sur son passage et promet un bel avenir à sa réalisatrice.

Trois Questions à Charlotte Regan 

Pourquoi avoir voulu raconter cette histoire ? 

Les drames sociaux britanniques sur la classe ouvrière sont toujours déprimants. J’avais envie d’un film joyeux, dans lequel les personnages ne sont pas définis par leur statut social. Au moment de l’écriture du scénario, j’ai perdu mon père et ma grand -mère. J’imagine que ça m’a influencée, c’était comme une thérapie bon marché.

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Lola Campbell, l’interprète de Georgie, est fantastique…

 C’est une des meilleures actrices avec laquelle j’ai pu travailler. Elle n’avait jamais joué avant, mais elle fait partie de la génération TikTok qui a l’habitude d’être devant la caméra. Comme Georgie, elle est très mature, mais avec un côté enfantin. Il y a beaucoup de ses improvisations dans le film, elle devrait être créditée comme coscénariste.

Comment avez-vous collaboré avec Molly Manning Walker ? 

Nous sommes amies depuis longtemps, et Molly a été impliquée dans le projet très tôt. Nous avons travaillé de manière très libre. Certains jours, elle m’aidait sur la réalisation ; d’autres, je m’occupais plus des lumières. Encore aujourd’hui, on échange constamment l’une avec l’autre, puisque nos deux premiers longs métrages sortent au même moment.

 Scrapper de Charlotte Regan, Star Invest Films (1 h 24), sortie le 29 novembre.