
C’est peu dire que Luca Guadagnino se plaît à créer des films comme on jette un pavé dans la mare, le tout avec un même plaisir insolent, un même désir de surprendre aussi. Et si le cinéaste est devenu l’idole des jeunes depuis Call Me by Your Name en 2017, c’est à cette génération qu’il s’adresse dans After the Hunt – celle de l’après #MeToo.
Moins pour la flatter que pour la questionner, la pousser dans ses retranchements, à travers une accusation de viol soudain portée par une élève (Ayo Edebiri) à l’encontre d’un professeur d’université (Andrew Garfield) et ses conséquences. Au milieu se tient Alma, campée par l’iconique Julia Roberts, une prof de philosophie partagée entre l’empathie qu’elle ressent pour la victime… et pour l’accusé, qui se trouve être son plus proche ami.
Tout le sel du film tient à cette position inconfortable, qui voit le désir objectif de justice court-circuité par le désir tout court, à commencer par celui qui circule entre les personnages. Le désir comme autant de pulsions humaines, trop humaines.
À ce titre, After the Hunt n’est pas le pamphlet réactionnaire dont l’accusent déjà certains, quand bien même il emprunte – de l’aveu de son réalisateur – son ton parfois sardonique et même son générique à un certain Woody Allen. C’est surtout l’histoire d’un choc générationnel, celui d’Alma, dont la conception du monde est comme chamboulée par une jeunesse qui lui échappe. Julia Roberts n’est d’ailleurs pas sans rappeler la Cate Blanchett du récent Tár (2023) dans ce rôle de femme puissante sur la ligne rouge, volontiers antipathique. Soit tout ce qu’on attend d’un cinéma qui dérange plus qu’il ne conforte.