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À voir sur Le Cinéma Club : « Traité de la réussite », le court-métrage restauré d’Hal Hartley

  • Léa André-Sarreau
  • 2020-02-04

La plateforme cinéphile Le Cinéma Club propose, à l’occasion d’une rétrospective du travail de Hal Hartley au Metrograph de New York, de revoir ce court-métrage qui cristallise le style romantique et désabusé du cinéaste indépendant.

Si vous connaissez un peu Hal Hartley, cinéaste américain indé porté aux nues dans les années 1990 avant de tomber dans un oubli injustifié, vous savez déjà que le titre de son court-métrage Traité de la réussite (Theory of Achievment, 1991) est amèrement ironique. Chez ce réalisateur biberonné à la Nouvelle Vague européenne – dont il a emprunté la modernité formelle et le mood désabusé -, aucun manuel de « réussite » à l’horizon, ni success-story. Ses anti-héros sont des paumés, des déclassés, des allergiques aux bonheurs.

Dans ce film de 17 minutes chrono, Hal Hartley raconte les tentatives désespérées d’un écrivain en herbe pour convaincre son cercle d’amis-artistes de délaisser leur appartement de Manhattan pour Brooklyn. Le pitch a tout d’un Woody Allen réchauffé, mais il n’en est rien. Sous ce potentiel déménagement anecdotique se joue la crise existentielle d’une jeunesse tiraillée entre les exigences du monde moderne (le travail aliénant, la réussite sociale) et des aspirations romantiques et politiques. Avec un mélange de délicatesse et de désespoir, le réalisateur dresse un portrait-choral qui synthétise aussi ses tics stylistiques : des conversations en huis clos sur Henry Miller filmées à la Cassavetes, des monologues introspectifs déclamés avec une distance brechtienne, des déclarations d’amour à l’art, des corps désarticulés comme des pantins qui répètent mécaniquement les mêmes gestes absurdes, des plans millimétrés et des effets de répétition comiques pour dire la distance entre les êtres…

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Impossible de ne pas penser à Anna Karina récitant Capitale de la douleur de Paul Éluard dans Alphaville de Jean-Luc Godard en voyant l’actrice Elina Löwensohn se déplacer dans l’appartement vide avec son livre brandi comme un refuge à la violence du monde extérieur… Au-delà de l’exercice de style méta et onirique,Theory of Achievment est aussi un essai fulgurant sur la gentrification urbaine, les bouleversements irréversibles d’une ville-tentaculaire qui change de visage et emporte dans son sillage les êtres qui l’habitent. Une géographie des espaces vacants et désolés qui est aussi au coeur de Trust Me, sorti la même année. On rappelle au passage qu’Hal Hartley tournera bientôt son nouveau projet, l’histoire (très autobiographique) d’un réalisateur en pleine reconversion. Le film est disponible ici.

Image: Capture d’écran Le Cinéma Club

 

 

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  • Traité de la réussite Theory of Achievment

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