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12 jours de Raymond Depardon : instants d’audience

  • Louis Blanchot
  • 2017-11-27

12 jours, soit le temps que doit attendre un individu interné contre son gré en hôpital psychiatrique pour qu’un juge décide s’il peut ou non être remis en liberté. Fidèle à sa méthode (plan fixe,  aucune intervention), le cousin français du maître Frederick Wiseman explore ici les rouages du centre hospitalier Le Vinatier à Lyon, un lieu à la croisée de la clinique, de la prison et du tribunal. Le film se déroule majoritairement dans une petite salle d’audience où défile une succession de malades en attente de leur passeport de sortie. Une salle que l’on quitte parfois pour suivre le quotidien répétitif de ces êtres, dont le destin a soudainement basculé, errant dans les couloirs de l’hôpital comme des boussoles sans aimant. 12 jours vaut ainsi surtout pour les instantanés de ces âmes en peine (certaines au bout du rouleau, d’autres au bord de l’implosion), obligées de revenir en quelques minutes sur leurs trajectoires de vie cabossées, en espérant  convaincre le juge qu’elles méritent une nouvelle chance. Des audiences cloîtrées et feutrées, à l’intérieur desquelles vient pourtant chaque fois résonner, par échos déchirants, l’extraordinaire violence du monde – du travail, du milieu familial ou bien des rapports amoureux. Avec une neutralité sans pareille, Depardon filme le désespoir de la conscience qui se sent dégringoler pour de bon, mais aussi la résilience et la ténacité de ceux qui, envers et contre tout, cherchent à maintenir la tête hors de l’eau. Subtilement, le réalisateur n’oublie pas non plus d’enregistrer les défaillances de cette machinerie médicale et judiciaire, entre avocats démissionnaires et magistrats incapables d’offrir à certains malades des solutions adaptées. « De l’homme à l’homme vrai, le chemin passe par l’homme fou. » En plaçant cette citation de Michel Foucault en préambule, 12 jours rappelle ainsi combien, de tout temps, la folie porte en elle une vérité implacable sur notre monde, et combien il y a autant à apprendre qu’à craindre de ces êtres que la société refoule en faisant mine de s’occuper d’eux.

de Raymond Depardon
Wild Bunch (1 h 27)
Sortie le 29 novembre

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