
Acteur qui s’est fait un nom en jouant dans la Palme d’or Sans filtre (de Ruben Östlund) et dans le récent Babygirl (d’Halina Reijn), Harris Dickinson incarnera aussi John Lennon dans les quatre films que Sam Mendes va consacrer aux Beatles. Un parcours à succès complété aujourd’hui par la réalisation d’un premier long métrage aux résonances personnelles pour la vedette britannique de 28 ans.
L’apprenti cinéaste raconte ici l’histoire d’un jeune sans-abri, Mike (Frank Dillane), qui erre dans les rues londoniennes, fréquente des marginaux puis effectue un vol avec violence qui l’envoie en prison. Expérience après laquelle Mike va tenter de se réinsérer socialement et de trouver la rédemption en travaillant dans un hôtel…
Lui-même familier des drames que vivent les personnes sans-abri (il a longtemps travaillé avec des associations londoniennes qui leur viennent en aide), Dickinson porte sur son personnage principal un regard à la fois attentif et quelque peu distant. Cet ancien junkie, sur qui la caméra reste rivée durant tout le film, s’avère ainsi menteur, lâche et étrangement indifférent au sort de l’homme qu’il a agressé.
Le cinéaste ne cherche ainsi pas particulièrement à nous apitoyer sur le sort de ce protagoniste et s’attache à une peinture plus globale d’une Londres contemporaine remplie de destins en tous genres où la gentrification croissante, les inégalités sociales et la solitude propre aux grandes villes créent un cocktail original et détonant. Mike aura par exemple une relation sentimentale avec une collègue (Megan Northam) mais paraît constamment vivre ses émotions avec retenue et avoir l’esprit ailleurs. Une sensation renforcée par plusieurs séquences de décrochage onirique (pas très éloignées du Gaspar Noé d’Enter the Void ou du Jonathan Glazer d’Under the Skin) où la caméra passe par divers espaces psychédéliques avant de nous amener dans une mystérieuse grotte.
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Ces images mystiques ouvrent une dimension parallèle au sein de cette chronique sociale et expriment comme un désir secret de devenir quelqu’un d’autre. Et c’est sûrement dans cette idée de double réalité que ce récit tragique trouve son cœur battant. Car parallèlement au chemin de croix de Mike existe un autre personnage, Nathan (joué par Harris Dickinson lui-même), que l’on croise à plusieurs reprises. D’abord marginal et en détresse, Nathan réapparaîtra dans une version plus flamboyante qui semble indiquer une différence de destinée entre les êtres qui trouvent la rédemption et ceux qui restent rejetés par le système. Cette thématique résonne jusque dans la percutante séquence finale, à la forme fantastique et symbolique.
Par cette manière agile de passer d’une atmosphère à l’autre et d’une tonalité pince-sans-rire à des sentiments angoissants d’abandon et de culpabilité, cet envoûtant drame social n’en devient que plus remuant et fascinant.
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