
Convaincre ses spectateur·ices de suivre pendant deux heures un personnage détestable est toujours une gageure. Avec Un Poeta, Simón Mesa Soto se lance dans l’aventure. Son poète, Oscar, n’est ni très bon ni très beau, vit aux crochets de sa mère et d’un recueil écrit il y a des années, et passe plus de temps à s’enquiller des shots jusqu’à s’écrouler dans le caniveau qu’à chercher du travail ou la compagnie de sa fille. Sa seule planche de salut est la maison de la poésie de son quartier de Medellín, dans laquelle on évite de lui rappeler qu’il n’a aucun talent. Jusqu’à ce qu’il prenne sous son aile Yurlady, jeune fille très pauvre mais douée pour l’écriture.
Simón Mesa Soto a le bon goût de déjouer toutes les attentes du sujet. Si Un Poeta est aussi une observation cruelle des inégalités sociales qui traversent la Colombie, avec un portrait au vitriol des classes bourgeoises blanches qui fantasment les difficultés des pauvres racisés, le film brille surtout par son comique farcesque bâti sur les rupture de ton, un sens très précis du montage et un acteur incroyable. Avec son corps malingre et son allure batracienne, Ubeimar Rios, instituteur au départ, parvient à teinter le pathétique évident d’Oscar tantôt de drôlerie, tantôt de mélancolie et lui ménager suffisamment de douceur pour qu’on ne se lasse jamais de le voir échouer.
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