CANNES 2025 · « Nouvelle Vague » de Richard Linklater : Godard version slacker

C’est un portrait de Jean-Luc Godard (incarné par le parfait Guillaume Marbeck) en cancre burlesque de la Nouvelle Vague que nous sert le cinéaste américain dans son jubilatoire making of fictif d’ « À bout de souffle ». Un hommage comme un manifeste pour un cinéma léger, malicieux et anarchisant.


Jean-Louis Fernandez
© Jean-Louis Fernandez

Richard Linklater, auteur de projets aussi uniques que la série des Before (Before Sunrise, Before Sunset, Before Midnight) ou Boyhood, ou encore d’hymnes à l’amitié ou à la glande tels que Dazed And Confused ou Slacker, a trouvé son grand sujet avec la Nouvelle Vague – avant tout parce qu’il prend le parti de la raconter comme une aventure collective (on croise Rohmer, Truffaut, Rivette, Rozier, Chabrol, Schiffman ou Varda) qui révolutionna le cinéma en prenant le parti de l’irrévérence et de la désinvolture.

● ● À  LIRE AUSSI ● ● Pamela Anderson parle de son amour pour Godard et la Nouvelle Vague dans le Criterion Closet

Né en 1960, l’année de la sortie d’À bout de souffle, l’Américain choisit le tournage de ce film de Jean-Luc Godard comme point de bascule mais aussi comme l’origine de son propre cinéma, tourné vers les figures oisives et contestataires. Il croque le cinéaste aux lunettes noires en loser un poil sentencieux mais hyper touchant, débitant des aphorismes bien high sur l’art à qui mieux mieux, malgré tout complexé de n’être alors encore que critique quand Chabrol a déjà réalisé Le Beau Serge, Varda La Pointe courte, et Truffaut Les 400 coups. Guillaume Marbeck, l’acteur encore inconnu qui incarne Godard, trouve le ton parfait pour retrouver quelque chose de sa fougue et de sa diction chuintante, sans tomber dans l’imitation.

● ● À  LIRE AUSSI ● ● Richard Linklater : « J’ai toujours détesté ce qui est mainstream. Je trouve que la culture underground exprime bien plus de choses. » 

Linklater, lui, s’attelle à montrer comment ce Godard un peu en galère vit la réalisation comme un casse, un sabotage, un attentat – contre le scénario, le montage, les personnages, les acteurs, et surtout contre les velléités de, son producteur, Georges de Beauregard.  C’est la seule manière de retrouver quelque chose du chaos de la vie, semble-t-il nous dire, et on sent que Linklater s’identifie, reprenant dans la forme même du film (même si on aurait aimé que ce soit plus fou) les préceptes de la Nouvelle vague – tournage léger, improvisation, montage libre…

Si l’on sent toute la tendresse qu’il a pour JLG, le réalisateur refuse la stricte hagiographie, la sacralisation – être respectueux, ce serait peut-être la pire manière de lui rendre hommage. Et c’est grâce à la figure de Jean Seberg (Zoey Deutch) qu’il ose lui envoyer quelques scuds. « Qu’est-ce que c’est dégueulasse ? » dit le personnage incarné par Seberg à la fin d’À bout de souffle. On ne sait ce qu’il en a été pendant le vrai tournage mais, selon la version de Linklater, il s’agit d’une réplique improvisée par l’actrice, comme une réponse ulcérée au comportement d’enfant gâté de Godard qui a passé son temps à la mener en bateau. C’est là aussi que Nouvelle vague emporte : il n’est pas signé par un cinéphile nostalgique et fétichiste, mais par un Linklater qui cherche surtout à repenser le cinéma contemporain, sondant les contradictions du passé pour trouver un nouvel élan.

Retrouvez tous nos articles sur le 78e Festival de Cannes, qui se tient du 13 au 24 mai.