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Lumière 2023 · Retour, en images, sur les belles expos autour de Wim Wenders

  • Léa André-Sarreau
  • 2023-10-16

Le cinéaste, qui effectue un splendide doublé cette année avec « Anselm – Le Bruit du temps » et « Perfect Days » (prix d’interprétation à Cannes pour Koji Yakusho) est à l’honneur de la 15e édition du festival Lumière. Une expo-archipel rend hommage à son regard de photographe, porté sur les petits déraillements de la vie et la force des amitiés.

La légende dit que Wim Wenders rêvait d’être peintre, avant qu’un séjour à Paris, et la découverte de la Cinémathèque française, lui fasse changer d’avis – il s’y réfugiait les jours d’hiver glaciaux, faute de chauffage dans sa chambre de bonne. L’exposition que lui consacre le festival lyonnais, où il recevra le prix Lumière 2023, porte la trace indélébile de ce goût pictural, même s’il se compose exclusivement de photographies. Conçue comme un triptyque essaimé dans plusieurs galeries lyonnaises du 1er et 8e arrondissements, cette expo en forme d’archipel jette la lumière sur la double facette du cinéaste allemand – l’observateur patient et le copain fidèle.

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Entire Family, 1983, Las Vegas (c) Wim Wenders, courtesy Wenders images

D’abord donc, ce goût pour les arts visuels, les lignes de fuite, les gammes chromatiques saturées, les ciels irréels, explorés dans une sélection de photos de tournage dédiées à des lieux insolites. Ici, c’est un avion écrasé au milieu du désert de la Monument Valley en 1977, sorte de monstre de fer à la gueule ouverte et rutilante, que Wim Wenders auréole d’étrangeté dans ce décor victorieux de l’Amérique. La Monument Valley est la terre du western conquérant (un genre que Wenders s’est souvent plu à travestir) ; elle devient ici une mélancolique terre de désastre. Toujours relativement éloigné, l’objectif de Wim Wenders décèle les aberrations de l’architecture urbaine à Los Angeles, dans un cliché tout en verticalité et béton (Femme à la fenêtre) qui rappelle Edward Hopper.

Souvent, ces photographies portent la trace d’une présence qui a cessé d’être, d’un passage furtif qui s’est évanoui – une maison biscornue au Québec dont on se demande quels fantômes elle héberge, une grande roue qu’on entend presque grincer dans le vide en Arménie. Autant de lieux saugrenus qui nous incitent à mieux déceler la poésie, ou l’absurdité, du monde - et qui peuvent servir de préambule à la deuxième expo, sobrement constituée de photogrammes tirés des films de Wim Wenders. Ces images en mouvement soudain figées rappellent à quel point l’art du découpage de Wenders, maniaque et millimétré, fonctionne à l’arrêt. Chaque plan peut y vivre sa vie de façon autonome, isolée.

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Dust Roadin in West Australia, 1988 (c) Wim Wenders, courtesy Wenders images

La troisième expo, tirée du livre de Wenders Une fois, raconte, au fil de clichés pris sur le vif, plusieurs rencontres emblématiques de Wim Wenders avec ses contemporains. Il s’agit sans doute de la galerie la plus frappante, car elle nous donne le sentiment vertigineux d’assister aux pique-nique, virées en bagnoles, et vacances entre copains de Wim Wenders – sauf que ses amis, ce sont Akira Kurosawa, Francis Ford Coppola, Jean-Luc Godard, et toute la crème de la crème du ciné des années 1970-1980.

Plus organiques et foutraques que les tirages de la première expo, ces photogrammes témoignent d’une vie trépidante, que l’on découvre tout aussi romanesque que ses films. De cette journée champêtre où Coppola a traîné Wenders et Kurosawa dans son domaine viticole de Napa Valley en Californie, il reste des clichés à la Auguste Renoir, et ses mots doux de Wenders : « La journée s’est terminée au paradis. Certains d’entre nous ont sauté dans les eaux claires du petit étang à proximité. Ce fut un merveilleux moment hors du temps, avec Kurosawa se reposant à l’ombre, Francis flottant dans l’eau et notre petite troupe allongée sur les rochers chauds. »

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Il y aussi cette fois où Martin Scorsese a crevé un pneu de voiture dans la « Valley of Gods », en Arizona, anecdote immortalisée par des images de road-trip que Wenders affectionne tant. Puis les visages familiers – Claire Denis, assistante sur Paris, Texas (« Elle était l’assistante la plus redoutable et la plus dévouée qu’un assistant aurait pu souhaiter » confie Wenders en commentaire de la photo) qui passe un coup de téléphone dans une cabine sur le tournage californien, pendant qu’un dinosaure géant marche tranquillement. Sans oublier un portrait de Jim Jarmusch où s’incruste Roberto Benigni, et la visite du studio de Perceval, le Gallois d’Eric Rohmer. Ces moments de vie en noir et blanc lustré nous rappellent que la vie de Wenders, comme son cinéma, s’enracine dans la perspective de retrouvailles.

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Claire Denis, 1983, Cabazon, CA (c) Wim Wenders, courtesy Wenders images

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