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« Orlando, ma biographie politique » de Paul B. Preciado : les gammes de l'identité

  • Laura Pertuy
  • 2023-02-20

[CRITIQUE] Avec ce premier film punk irrigué par plusieurs voix trans et non binaires, qui passe avec la plus grande fluidité de corps en corps, le philosophe Paul B. Preciado adresse une missive enflammée à Virginia Woolf et fait de la transition une épopée merveilleuse.

Quand, en 2020, Arte propose à Paul B. Preciado de réaliser un film sur sa propre vie, le philosophe, essayiste et commissaire d’exposition se tourne vers un texte fondateur de son identité trans, à savoir Orlando de l’immense autrice britannique Virginia Woolf. Ce roman, publié en 1928, dédié à la poétesse Vita Sackville-West avec qui Woolf entretenait une liaison, prend la forme d’une biographie fictive dans laquelle Orlando, jeune aristocrate anglais à l’allure androgyne, traverse les siècles, passant de courtisan auprès d’Élisabeth Ire à ambassadeur à Constantinople, avec le refus constant de se marier. Et se réveille un matin dans la peau d’une femme…

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Paul B. Preciado s’amarre à cette fable, son premier contact avec un récit contant une transition de genre, lui emprunte sa dilatation rêvée du temps, et convoque une constellation d’interprètes, dont Oscar-Roza Miller, Janis Sahraoui et Naëlle Dariya, pour camper l’insaisissable Orlando. Tout ce petit monde scande les mots révolutionnaires de Woolf, couchés sur le papier il y a près d’un siècle, et y mêle son propre rapport à ce personnage fondateur via des témoignages d’une beauté caressante. Dans l’élasticité de sa forme – le cinéaste convoque le face caméra comme il installe des tableaux aux allures de conte –, Orlando, ma biographie politique trouve une poésie essentielle à l’existence du corps queer. Un souffle hybride que portait déjà Woolf dans son refus d’une société patriarcale et dans la forme de son texte, pétri du rapport très organique de son personnage à son identité. Le songe qu’elle déployait alors semble s’être incarné dans tous les récits de fierté que filme Paul B. Preciado. Un premier film comme une odyssée, qui observe la métamorphose dans son infinité de voyages, remet l’amour de soi au centre de la transition, et fait exister plus fort les Orlando d’hier et d’aujourd’hui, tous ces corps fluides bien ancrés, eux, dans le réel.

Orlando. Ma biographie politique de Paul B. Preciado, Jour2fête (1 h 38), sortie le 5 juin

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