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Avec « Ludi », Chassol signe un album envoûtant entre jazz et pop

  • Léa André-Sarreau
  • 2020-04-01

Après sa trilogie d’«ultrascores» entamée à La Nouvelle-Orléans (Nola chérie, 2011), poursuivie en Inde (Indiamore, 2013) et close en Martinique (Big Sun, 2015), Chassol propose avec Ludi un véritable objet artistique, qui porte plus loin encore son grand dessein d’«harmonisation du réel». À la fois album, film et spectacle, Ludi s’inspire du roman Le Jeu des perles de verre de l’écrivain allemand Hermann Hesse pour offrir une réflexion synesthésique, « totale », voire cosmique, sur le thème du jeu. «Je ne voulais pas devenir “Chassol au Congo”, explique le musicien, et j’étais content de m’attaquer à un thème plutôt qu’à une géographie. Le jeu est un thème riche, avec beaucoup de matériel: des sons, du langage symbolique (“tu as perdu, je suis le premier”), des mouvements. Je savais que ce serait un endroit où je pourrais m’amuser. D’ailleurs, quand je pars travailler, je dis: je vais jouer.»

Synchronisant scènes filmées et savants arrangements jazz, pop, choraux, Chassol y combine musique, mathématiques, esthétique et spiritualité, comme dans le roman utopique de Hermann Hesse. «Il y compare ce joueur à un organiste, qui actionne avec les pédales de ses orgues les valeurs spirituelles, les créations humaines, les langues. Il y avait avec ce film l’envie de faire un objet qui “satisfasse”, comme ces “vidéos satisfaisantes” sur Internet, qui montrent des machines, des dispositifs où la perfection de l’engrenage, de l’alignement, procure un sentiment de satisfaction.»

Dans le puzzle de Chassol, une cour de récréation, un terrain de basket-ball, une salle de jeux d’arcade ou un grand huit dans une fête foraine forment autant de pièces coupées, montées et mises en boucle, dont le compositeur arrange, harmonise les sons (les jeux de mains des enfants, la balle rebondissante sur le sol, un « jeu de la phrase » entre musiciens) ou les mouvements (ceux de la caméra, les courses des enfants). Faisant ainsi coïncider images en mouvement (le cinéma) et émotions musicales, il joint le visible et l’invisible, le concret et l’abstrait, et parvient à révéler, avec un plaisir communicatif, l’harmonie préexistante dans le monde réel. 

« Ludi » (Tricatel)

SI TON ALBUM ÉTAIT UN FILM ?

« Ce serait une conjonction de plusieurs films, comme une boîte à outils ou un Rubik’s Cube : avec Memento de Christopher Nolan, car j’aime bien ce film pour sa construction ; un film d’animation comme Fantasia, ou Belladonna, ce film érotique japonais de 1973 plein d’aquarelles et de super musiques ; enfin, les œuvres qui ont été pour moi des épiphanies concernant le montage : Sans soleil de Chris Marker ou L’Œil au-dessus du puits de Johan van der Keuken, qui utilise des bouts de ses films, prenant des scènes là, des sons ici, pour jouer au Lego avec ses rushes comme matériau. »

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