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SCÈNE CULTE : « Le Samouraï » de Jean-Pierre Melville

  • Michaël Patin
  • 2023-06-26

Jef Costello (Alain Delon), tueur à gages solitaire, élimine le patron d’une boîte de jazz. La nuit même, il est arrêté comme suspect. Malgré son alibi et le silence des témoins, le commissaire (François Périer), persuadé de sa culpabilité, organise sa filature. Retour en salles, en version restaurée, du « Samouraï », dont la rigueur et la froideur horlogères ne cessent de fasciner.

LA SCÈNE

L’appartement de Jef Costello a été mis sur écoute par la police. Lorsqu’il rentre chez lui, il accroche son chapeau et son manteau à une patère, inspecte sa manche de chemise tachée de sang (la marque d’une blessure causée par ses employeurs), puis décroche le combiné du téléphone. Une intuition soudaine le fait se raviser : l’oiseau qu’il garde en cage effectue des bonds autour de sa mangeoire. Méthodiquement, Jef inspecte les lieux et finit par repérer le micro placé en hauteur sous le rideau d’une fenêtre. Il le décroche et ressort sans un bruit.

L’ANALYSE DE SCÈNE

Un trench-coat, un Borsalino, des yeux bleu acier : l’image que s’est composée le Samouraï est un masque impénétrable. Pour entrevoir l’âme de celui-ci, Jean-Pierre Melville nous invite à visiter, littéralement, son intérieur: l’appartement où il trouve refuge entre deux meurtres est un gourbi sinistre et délabré, dans lequel la seule trace de vie est un bouvier en cage.

Cet oiseau prisonnier ne figure pourtant pas, comme on pouvait l’espérer, le symbole d’une humanité pas tout à fait éteinte. On le comprend dans cette scène sans paroles (comme tant d’autres) dans laquelle la musique de François de Roubaix, nimbant d’abord le rituel minutieux de Jef Costello, s’arrête brusquement lorsque celui-ci flaire le danger. Ne reste que le pépiement monocorde du bouvier qui effectue un ballet nerveux et répétitif, indéchiffrable pour les non-initiés (nous autres spectateurs). Ainsi, le samouraï n’a pas choisi un animal de compagnie, il a dressé une alarme. C’est l’une des idées les plus radicales du film, qui transforme l’image même du vivant en objet paranoïaque. Un oiseau-postiche aussi utile qu’un trench-coat, un Borsalino ou un flingue.

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Le Samouraï de Jean-Pierre Melville, Les Films du Camélia (1h45), ressortie le 28 juin

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