[EXPO] La rétrospective Ben Rivers au Jeu de Paume

Il existe une frange de cinéma trop rarement montrée en salles qui s’attache moins aux enjeux narratifs qu’à produire chez le spectateur une perte de repères spatio-temporels. Ben Rivers fait partie de cette espèce en voie de disparition.

Ses films, tournés pour la plupart en pellicule 16 mm, ne négligent pas pour autant le numérique (comme en témoigne la 3D iridescente de Look Then Below) et s’appuient le plus souvent sur une voix off qui induit des allers retours dans le temps. Entités à part, délivrées de tout carcan narratif et formel, elles instaurent une méditation poétique sur le passé et l’avenir de la civilisation, où l’acte de filmer révèle des paysages mentaux indistincts de la nature qui les cerne.

Two Years at Sea, son film le plus célèbre, dépeint dans un noir et blanc granuleux la vie solitaire d’un ermite reclus au fond des bois. On peut découvrir aussi The Sky Trembles and the Earth Is Afraid and the Two Eyes Are Not Brothers, pérégrination hallucinatoire dans les montagnes de l’Atlas, ou encore le sublime Krabi, 2562, coréalisé avec la cinéaste thaïlandaise Anocha Suwichakornpong, dans lequel la préhistoire géologique entre en collision avec le tourisme de masse.

Chez Ben Rivers, le vertige naît toujours de la confrontation entre nature et culture, archaïsme et modernité capitaliste, lieux réels et spéculations fictionnelles. Le sentiment de liberté s’y teinte graduellement d’inquiétude, tendant parfois vers l’onirisme ou le fantastique. Autant de fables écologiques ébauchant une archive des temps à venir, après une catastrophe qui serait déjà advenue.

« Strates fantômes, et autres histoires », du 14 au 26 novembre, au Jeu de Paume. 

>>> Pour réserver, rendez-vous sur le site.

Photo : photogramme de The Sky Trembles and the Earth Is Afraid and the Two Eyes Are Not Brothers de Ben Rivers