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PORTFOLIO – Tom Haugomat, l’enfance de l’art

  • Sarah Jeanjeau
  • 2021-11-12

C’est lui qui signe la superbe série d’affiches des « Aventures d’Antoine Doinel », cycle consacré à l’alter-ego fictif de François Truffaut qui arrive bientôt en salles. L’artiste Tom Haugomat, dont l’univers pastel et enfantin a quelque chose d’enchanteur, partage avec ce personnage culte de la Nouvelle Vague son côté libre et intranquille. Il a accepté de commenter pour nous quelques-unes de ses œuvres.

Né sous les nuages parisiens en 1985, Tom Haugomat s’intéresse très jeune au dessin et à son potentiel narratif. Diplômé de la prestigieuse école d’animation des Gobelins, il s’essaie à la réalisation aux côtés de son camarade Bruno Mangyoku, avec qui il met en scène deux courts-métrages d’animation : Jean-François (2009) et Nuisible (2013). Largement influencée par les paysages de son enfance, marquée par une tendance à l’épure – les couleurs y sont souvent au nombre de trois, pas plus –, l’œuvre de Tom Haugomat (qui a également écrit le roman graphique cinéphile À travers, publié en 2018) se révèle à la fois douce et mélancolique.

Son travail sur la série d’affiches de la saga Antoine Doinel, qui retrace l’évolution du personnage de son enfance dans Les Quatre Cent Coups (1953) jusqu’à l’âge adulte dans L’Amour en fuite (1979), témoigne d’une filiation presque évidente avec l’univers imaginé par François Truffaut. À travers le trait du pinceau de Tom Haugomat, Antoine Doinel, toujours en mouvement, semble ainsi ne jamais rien n’avoir perdu de son âme d’enfant.

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« Game Over », Gallery 33, Amsterdam (2014).

« J’ai réalisé ce diptyque dans le cadre d’une exposition sur le jeu vidéo. C’était juste avant le livre À travers – qui est entièrement constitué de diptyques –, mais je ressentais déjà l’envie de travailler avec ce concept. J’ai créé une série de cartouches de jeux qui m’ont marqué quand j’étais petit - j’ai joué aux jeux vidéos jusqu’à tard -, puis cette scène avec ce type qui joue à Starfox pour occuper son insomnie. C’est difficile à décrire, mais j’essaie de retranscrire des moments qu’on ne regarde habituellement pas. C’est un instant banal, mais ça me paraît important de le restituer. Je pense que cette image a sans doute joué un rôle dans la conception du livre À travers, c’était vraiment une période dans laquelle j’explorais énormément l’imagerie spatiale. En tout cas ce personnage-là n’est jamais allé dans l’espace, et je pense qu’il n’ira jamais ! »

« Peter Pan », Transfuge n°68 (2014).

« C’était l’une de mes premières commandes de presse. On est sur une image beaucoup plus 'coup de poing', avec un concept clair. Aujourd’hui je travaille davantage dans la narration, donc quand je réalise une commande, je vais préférer les images narratives aux images conceptuelles. Je me suis amusé, l’idée c’était vraiment d’exprimer qu’on oublie facilement l’enfant qui est en nous, et là c’est carrément Peter Pan qui vient chercher ce pauvre trader accroché à son ordinateur. »

« 2001 : L’Odyssée de L’Espace », Epic Art Prints (2017)

« Je suis un fan absolu de ce film, je l’ai revu récemment lors de sa projection en 70mm au Bretagne à Paris. Au début je pensais reprendre une scène sur la lune, avec un décor beaucoup plus rocheux. Au fur et à mesure, j’ai plutôt eu envie de reprendre les proportions du monolithe, tout en jouant avec les possibilités offertes par la technique de la sérigraphie. J’ai élaboré mon image avec peu de couleurs et j’ai appliqué par-dessus un calque d’une couleur différente aux mêmes dimensions que le monolithe. J’ai repris les compositions très frontales du film pour illustrer ce moment – qui pour moi était le plus marquant –, où l’astronaute se retrouve livré à lui-même dans l’espace. La difficulté c’était d’accepter le caractère très minimaliste de l’image. J’ai hésité à le faire, parce que je suis quand même illustrateur ! C’est une œuvre qui a été une sorte de tournant dans ma carrière, parce que j’ai finalement osé prendre le parti-pris du minimalisme. »

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« Voyage à Tokyo », Black Dragon Press, (2019).

« Je n’avais pas encore vu le film quand on m’a demandé de réaliser l’affiche, mais j’étais familier avec l’univers d’Ozu, dont j’avais notamment vu Bonjour (1959) et Le Goût du Saké (1962). J’ai eu la chance de le voir en salles, lors du cycle Ozu organisé dans les cinémas du Quartier Latin, à côté de mon atelier. J’ai été bouleversé par le film, je pense que c’est celui qui m’a le plus touché. On retrouve ce type de composition dans Bonjour, et j’avais vraiment envie qu’on puisse identifier instantanément qu’il s’agissait d’Ozu. Ce qui m’a touché dans cette histoire, c’est le rapport à la filiation, avec le personnage de l’enfant et de la grand-mère, que j’ai essayé de retranscrire dans l’illustration. J’ai voulu faire quelque chose d’assez minimaliste mais tout de même facilement identifiable. Une autre scène me touche particulièrement dans le film, lorsque les grands parents partent en cure et se retrouvent côte à côte pour regarder l’océan.  Je vais sûrement la réaliser aussi, j’y pense depuis un moment. C’était très difficile de choisir une scène du film, le cinéma d’Ozu est très graphique. Je pense qu’il y a une certaine filiation entre son cinéma et mon travail, dans la manière dont j’essaie de poser le cadre et les décors. »

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« Les Quatre Cent Coups », mk2 Films et Carlotta (2021).

« En parallèle de mon travail sur le livre Fup (L'oiseau canadèche) [ce livre fait l'objet d'une exposition à la Galerie Robillard jusqu'au 17 novembre prochain, ndlr], ces affiches sont mes premiers travaux de commande réalisés à la peinture. Ce film m’a vraiment accompagné depuis l’enfance, et je ne m’en rendais pas compte quand je le regardais, mais il était vraiment angoissant pour moi. Antoine Doinel c’est un enfant qui se retrouve livré à lui-même, qui n’a plus de cadre. J’étais un enfant dont les parents sont séparés, donc je pense avoir ressenti moi-même cette petite angoisse de l’abandon. C’était un film qui me fascinait parce qu’il me faisait peur, mais aussi parce que je m’identifiais beaucoup à Antoine Doinel, qui est un petit homme très impressionnant. Pour la conception de l’affiche je n’avais pas envie de m’intéresser à Paris, parce que ce n’est pas ce que le film m’évoque, même s’il se passe en plein cœur de la ville. J’en retiens plutôt des sentiments. Puis il y a ce moment final, magnifique, de la rencontre d’Antoine Doinel avec l’océan. Petit, c’est vraiment quelque chose qui me collait au fond du fauteuil. »

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