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Personal Shopper, Manchester by The Sea… Les films préférés de la rédac cette semaine

  • Trois Couleurs
  • 2016-12-14

PERSONAL SHOPPER

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Pour son deuxième film avec Olivier Assayas (après Sils Maria en 2014), Kristen Stewart chasse les fantômes dans un habile mélange entre le cinéma de genre et le cinéma d’auteur. Une œuvre déstabilisante et fascinante qui navigue entre le concret et l’abstrait, le monde des vivants et le monde des morts, l’horreur et l’intime. Maureen, jeune Américaine exilée à Paris, veut croire aux fantômes. Hantée par la mort récente de son frère jumeau, elle espère un signe de lui. En attendant cette réponse qui ne vient pas, elle joue les habilleuses et les doublures mode pour une starlette… Olivier Assayas tire la complexité de son nouveau film de ce clivage entre la fragilité du deuil et l’ultramatérialisme du métier luxueux de son héroïne. « Maureen cherche à retrouver cette moitié d’elle-même qu’elle vient de perdre, nous explique le réalisateur. D’où l’idée d’un film construit sur des contraires, avec ce mélange de rejet et de fascination pour ce qui la rattache au monde des vivants alors que son esprit est hanté par les morts. » Avec son teint pâle, son regard inquiet et sa silhouette longiligne, Kristen Stewart façonne une Maureen à la fois présente et absente. La caméra d’Assayas ne regarde qu’elle, fascinée par ce corps au croisement des genres. C’est toute la grâce de Stewart de passer ainsi d’une féminité sensuelle et délicate quand elle se glisse dans une robe haute couture à une dureté, une raideur qui la métamorphosent en véritable bloc nerveux. Cette façon de vider le film de ses actions pour ne garder que le personnage et l’acteur, Olivier Assayas l’a toujours pratiquée à l’aide d’un cinéma concret. Ici, ce sont les rues grises de Paris, sublimées en paysage symbolique de l’état d’âme de l’héroïne, ou les nouvelles technologies, au centre de l’intrigue, qui ancrent le récit dans le réel. Grand admirateur du cinéma asiatique stylisé (Hou Hsiao-hsien, Wong Kar-wai), Assayas réfute le réalisme social tout puissant du cinéma français. Que ce soit dans Demonlover (2002), Boarding Gate (2007) ou ici, il injecte du cinéma de genre dans la modernité. « Le cinéma de genre, c’est la meilleure manière de s’adresser au corps du spectateur. Personal Shopper est un film sur la relation entre le corps et l’esprit, le spirituel et le matériel. Si je veux que le public ressente les mêmes choses que mon personnage, je dois le secouer. » Cela demande au spectateur un certain lâcher-prise : il faut oser se laisser emporter par un film d’horreur atone, mélange fascinant de modernité antonionienne et de sursaut baroque à la Brian De Palma. La trajectoire de Maureen, en quête de l’invisible et d’elle-même, devient alors celle du spectateur qui atteint in fine une émotion brute, la sensation puissante de fragilité de l’homme face à la mort, qui confère à ce film ultracontemporain une sublime dimension intemporelle. R.C.

MANCHESTER BY THE SEA

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Il y a beaucoup de belles choses à retenir de ce délicat mélo réalisé par Kenneth Lonergan – déjà auteur de Tu peux compter sur moi et de Margaret. Et, en premier lieu, son magnifique décor : un petit village portuaire du nord-est des États-Unis, dont les hivers rugueux et les paysages endormis viennent idéalement accueillir la tristesse de ce récit endeuillé jusqu’au cœur. Concierge taciturne, Lee (Casey Affleck) vient de perdre son frère, malade, Joe (Kyle Chandler), lequel laisse derrière lui un fils encore adolescent et un bateau de pêche en panne. Une disparition qui, pour le film, est l’occasion d’ouvrir une trappe sans fond sur le parcours chaotique de cette famille, totalement ravagée par les vicissitudes de la vie, et dont l’existence ne tient plus qu’à un fil. À ce titre, Manchester by the Sea offre à Casey Affleck un nouveau grand rôle d’être absent. Grâce à ce personnage de mâle solitaire et buté, le film prolonge ainsi la fascinante trajectoire de l’acteur, comme prisonnier d’un éternel statut de cinquième roue du carrosse (il se dit que le rôle était originellement destiné à Matt Damon, par ailleurs producteur de Manchester by the Sea) qui le fait errer dans le ciel du cinéma américain tel un vagabond au milieu d’une tempête de neige. D’un film à l’autre, c’est une manière de ruminer sous sa carcasse de chien battu un même mélange de fatalisme et de résignation, comme s’il s’agissait de montrer à chaque plan que la vie avait pour lui cessé de faire sens depuis longtemps. Un acier idéal pour forger le tempérament renfrogné de ce quidam démoli par le chagrin, qui ne rêve plus de rien mais auquel le film, doux et patient comme un soleil d’hiver, offre une discrète mais bouleversante chance de renaissance. L.B.

LA JEUNE FILLE SANS MAINS

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Adapté d’un conte étonnamment cru des frères Grimm, le film d’animation du Français – très doué de ses mains – Sébastien Laudenbach ravit les yeux et le cœur. Un meunier pauvre accepte un marché avec le diable, sans comprendre que celui-ci lui prendra sa fille en échange d’une rivière d’or. Mais les mains de l’adolescente sont trop pures pour le démon ; il exige que le meunier les lui tranche… La Jeune Fille sans mains est d’abord un récit d’exils : ceux de l’héroïne, pour échapper à son père, au diable, puis, une fois mariée, à son époux, qu’elle croit devenu fou ; mais aussi celui de son mari, justement, amoureux mais contraint de partir guerroyer au lendemain de leur nuit de noces. Sébastien Laudenbach trouve un bel équilibre entre les phases de périples inquiets et d’attente auxquelles la jeune fille est souvent contrainte. Cette dialectique entre mouvement et immobilité infuse la (superbe) technique d’animation elle-même – les contours des silhouettes bougent indépendamment des taches de couleurs censées les remplir. Beau et puissant, La Jeune Fille sans mains se révèle aussi mature que lumineux. T.Z.

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