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OLDIES · « L’inondation » d’Igor Minaiev : femme submergée

  • Enora Abry
  • 2024-02-28

[Critique] Avec « L’inondation », sorti en 1993, le réalisateur ukrainien livre un récit intime et politique sur une jeune femme tiraillée par ses devoirs conjugaux dans un Saint-Pétersbourg ravagé par la révolution bolchévique. A (re)découvrir en salle à partir du 28 février.

Si la nouvelle L’inondation, publié en 1929 par Evgueni Zamiatine, n’avait pas atterri dans les mains d’Isabelle Huppert à la fin des années 1980, ce film n’existerait pas. A sa lecture, l'actrice se prend de passion pour le personnage principal : Sofia, une jeune mariée vivant à Saint-Pétersbourg (anciennement Petrograd) à qui son mari reproche de ne pas tomber enceinte. Afin de combler son désir d’enfant, elle adopte une orpheline de 13 ans - enfant qui ne tardera pas à la remplacer dans le lit conjugal. Pour mettre en scène cette histoire d’inceste et de femme bafouée, Isabelle Huppert s’est tournée vers Igor Minaiev, réalisateur d’origine soviétique installé en France depuis peu - il apportera au scénario un regard critique envers le pays dont il s’est exilé pour raisons artistiques.

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Sa caméra nous plonge dans un décor confiné. La quasi totalité des scènes se déroule dans un petit appartement extrêmement sombre et aux allures fragiles (les meubles et les murs semblent faits de carton-pâte). De fait, ce lieu n’est pas perméable à ce qui l’entoure : un usage minutieux du son nous fait entendre la rue, les bruits de pistolet et les cris qui témoignent de la Révolution Bolchévique.

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Mais à l’intérieur du foyer, la violence gronde sourdement. Les scènes d’inceste sont maintenues hors champs, tandis que les trois personnages se murent dans le silence, brisé uniquement lorsque l’homme - véritable figure du patriarche - a décidé qu’il était l’heure de faire la discussion. Sofia (qui bénéficie de l’aura naturellement glaciale d’Isabelle Huppert) a le visage constamment baigné d’une lumière blanche contrastant avec l’obscurité du décor, faisant d’elle une véritable poupée de cire, totalement impassible face aux agissements de son mari.

Ce n’est que lorsque la Neva (fleuve qui traverse Saint-Pétersbourg) sort de son lit, prête à inonder son appartement, que sa rancœur refait surface. Avec une fin aussi surprenante que sanglante, Igor Minaiev dépeint les conséquences désastreuses du refoulement de la colère féminine imposé par le patriarcat. 

L'inondation d'Igor Minaiev, Les Films du Camélia (1h40), ressortie en version restaurée le 28 février.

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