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Masterclasse Brian Cox : « Le problème avec beaucoup de séries américaines, c’est qu’elles s’éternisent ou qu’elles merdent sur la fin »

  • Margaux Baralon
  • 2023-03-21

Brian Cox enfile pour la dernière fois le costume du terrible Logan Roy dans la quatrième saison de « Succession », diffusée à partir du 27 mars sur Prime Video. Invité à Séries Mania, il en a profité pour parler de son rapport à son métier et de la nécessité de savoir mettre un point final à une série.

Casquette noire vissée sur la tête, veste sombre, visage impassible. On pourrait croire que Logan Roy, le patriarche à la tête de la famille la plus dysfonctionnelle du petit écran, vient de débarquer à Lille pour le festival Séries Mania. Mais le voir pris dans la foule d’un quai de gare SNCF plutôt que décoiffé par le vent à la descente d’un jet privé coupe court au moindre doute : c’est bien Brian Cox, l’acteur écossais sur le point d’enfiler pour la dernière fois son costume dans Succession, qui fait son entrée.

Lorsqu’on le rencontre le lendemain, il a tombé la casquette et affiche une bonhomie étonnante pour qui a vécu avec passion les trois premières saisons de la série. Il est toujours un peu étrange de découvrir un comédien généreux derrière un personnage brutal. À l’entendre pourtant, Brian Cox partage beaucoup avec Logan Roy. « On est tous les deux déçus de l’expérience humaine. La différence, c’est que je suis plus optimiste que lui et nettement moins à droite. Mais ses convictions découlent de sa déception. On dit souvent que les cyniques sont des romantiques désillusionnés. Logan, c’est exactement ça. Dans tous les cas, il est profondément incompris. C’est génial de jouer un mec que personne ne comprend. »

« Les choses arrivent toujours à une fin, et ça me va. »

À partir du 27 mars, Prime Video diffusera en France la quatrième saison de Succession. Son créateur, le Britannique Jesse Armstrong, n’a laissé aucun espoir aux fans : ces dix épisodes seront les derniers. Pas de quoi faire vaciller Brian Cox, formé sur les planches des théâtres de Dundee, où il est né, puis d’Edimbourg. « Les choses arrivent toujours à une fin, et ça me va. » Sa tranquillité est celle de l’acteur chevronné, qui a eu une longue carrière entre cinéma d’auteur (il était Hannibal Lecter pour Michael Mann dans Le Sixième sens ou le père d’Edward Norton dans La 25e heure, de Spike Lee) et blockbusters (Braveheart, Troie).

C’est aussi la tranquillité de l’homme résilient, qui vient de perdre sa grande sœur adorée, celle qui l’a élevé en l’absence de sa mère, dépressive chronique, et de son père, mort quand il avait huit ans. « C’est évidemment très dur pour moi mais je l’accepte. Il faut laisser finir les choses. C’est tout le débat sur la fin de Game of Thrones. Les gens n’ont pas aimé et c’est normal. C’est pervers d’embarquer les spectateurs pour un voyage qui n’arrive pas là où il le devrait. Le problème avec beaucoup de séries américaines, c’est qu’elles s’éternisent ou qu’elles merdent sur la fin. »

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D’ailleurs, c’est ce que Brian Cox « aime avec les scénaristes britanniques ». « Ils sont disciplinés. Bon, parfois un peu trop. » La discipline revient souvent avec lui. Aime-t-il le sort réservé à son personnage ? « Oui. » La fin de la série ? « Ça me va. » A-t-il voulu apporter des choses au scénario ? « Je n’ai pas d’énergie à perdre. Certains acteurs font ça. Les Américains adorent mettre leur grain de sel. Moi, j’apprends mon texte et j’essaie de ne pas me cogner dans les meubles. » L’Écossais ne cache pas ses divergences avec les façons de faire outre-Atlantique, notamment la method acting utilisée par son partenaire, Jeremy Strong (Kendall dans Succession), qui consiste à se connecter émotionnellement à son personnage pour ne plus faire qu’un avec. « C’est une perte de temps et cela interfère avec l’imagination. Bien sûr, ça fonctionne pour certains. Mais ce n’est pas l’alpha et l'oméga de l’acting. Surtout, ça n’aide pas forcément dans un collectif. Or, le collectif est indispensable dans tout acte créatif. Jouer, c’est un truc collectif. »

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Sa vocation lui est d’ailleurs venue petit, lorsque pour les fêtes de fin d’année, il faisait un spectacle avec ses sœurs qui chantaient. « Je me souviens de l’harmonie que cela pouvait créer dans une pièce. Les gens partageaient ensemble quelque chose qui leur était extérieur. Je n’ai jamais oublié ce sentiment, j’avais envie de le mettre en bouteille pour en verser partout. Et comme j’étais un petit frimeur, devenir acteur s’est imposé facilement. »

Brian Cox se voit aujourd’hui comme un « transmetteur », mu (encore) par la discipline. Celle, en tant qu’acteur, de rester fidèle à la définition qu’en faisait Shakespeare dans Hamlet. « Présenter un miroir à la nature, voilà notre raison d’être. Trop d’acteurs sont trop autocentrés pour savoir exactement pourquoi ils font ce métier. » Lors de sa masterclasse devant le public de Séries Mania, le septuagénaire n’a pas non plus épargné les réalisateurs, « des animaux intéressants » qui « ont des idées ». « Parfois des idées dont on n’a pas besoin. Mais bon, c’est une discipline de savoir comment servir le scénario. »

Le ton est malicieux et sans aigreur. Brian Cox ne rejette ni l’époque ni les gens qui l’habitent. L’une de ses « grandes joies » sur le tournage de Succession est d’avoir vu Kieran Culkin, l’acteur qui joue le rôle de Roman, « grandir et s’épanouir ». Les séries l’excitent et il ne se prive pas pour glisser à Philippine Leroy-Beaulieu au détour d’un couloir qu’il a « adoré Dix pour cent ». Le cinéma a beau avoir « perdu de son dynamisme », il n’en est pas dégoûté. L’Écossais prépare d’ailleurs son premier long métrage derrière la caméra. Une nouvelle histoire de famille autour d’une distillerie. Seul problème : trouver un acteur principal quinquagénaire. « À cet âge-là, il y a beaucoup d’anciens alcooliques qui ne peuvent pas approcher une distillerie. À cause de l’odeur. »

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