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Michael McDowell, l’éternel revenant

  • Bernard Quiriny
  • 2022-07-13

Romancier de genre, fan de cinéma bis, scénariste des « Contes de la crypte » et « inventeur » de Beetlejuice, Michael McDowell fait un carton en librairie depuis ce printemps avec les six tomes de « Blackwater », une saga familiale mâtinée de fantastique dans l’Alabama profond. Vingt ans après sa mort, ce spécialiste des revenants est plus vivant que jamais.

Si vous passez par Chicago et que vous êtes d’humeur macabre, allez à la Northwestern University voir la Michael McDowell Death Collection, un ensemble de plusieurs centaines de pièces et documents relatifs à la mort au fil des siècles : daguerréotypes, lettres de condoléances, photos d’exécutions capitales et de processions funéraires, broches mortuaires, catalogues de pierres tombales et autres curiosités.

L’auteur de cette étrange collection, Michael McDowell, n’en était pas à son coup d’essai en la matière. Dans les années 1970, il avait soutenu sa thèse de doctorat intitulée « Comportements américains envers la mort, 1825-1865 ». Comment s’étonner après ça que la mort, les revenants et les phénomènes surnaturels impliquant l’au-delà aient pullulé dans son œuvre, et qu’il soit l’« inventeur » du Beetlejuice de Tim Burton, le plus célèbre fantôme du cinéma américain ?

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Quasi inconnu jusqu’à présent en France, McDowell fait un carton en librairie depuis le printemps. La raison ? Blackwater, une série de romans dont la publication dans l’Hexagone doit beaucoup au flair de Dominiques Bordes, patron de Monsieur Toussaint Louverture. Parue en 1983 aux États-Unis, Blackwater est une saga familiale dans l’Alabama de 1919 à 1969 : une histoire de dynastie et de pouvoir mâtinée d’éléments horrifiques et fantastiques qui en font un cocktail addictif.

La bonne idée de McDowell à l’époque fut de la publier en feuilleton, un volume par mois pendant six mois. Bordes a respecté le principe, en resserrant le calendrier sur deux mois pour ne pas lasser les lecteurs. Une stratégie couronnée de succès : tout le monde se les arrache depuis La Crue, sorti le 7 avril. Bordes avait labouré le terrain en amont, mené une campagne auprès de la presse et des libraires, créé la page française Wikipédia de McDowell et soigné l’emballage, comme d’habitude, en confiant au graphiste espagnol Pedro Oyarbide – spécialiste des cartes à jouer – la création de superbes couvertures à reliefs et dorures, qui génèrent une ambiance gothique à souhait et attirent l’œil en librairie.

McDowell n’avait que 32 ans quand il a publié Blackwater, mais il était loin d’être un inconnu dans les littératures de genre. Il s’était lancé dès ses études à Harvard et Brandeis, au début sans succès – ses premiers manuscrits sont refusés partout –, jusqu’à percer en 1979 avec The Amulet. Suivront une foule de romans horrifiques, influencés par le cinéma de genre : Les Brumes de Babylone (1980), Cauchemars de sable (1981), Katie (1982)… Efficaces, soignés, ces récits se déroulent souvent dans son Alabama natal, mais il aime aussi à reconstituer des décors historiques tel que le New York de 1870 dans Gilded Needles (1980), avec un sens du détail documentaire apprécié des connaisseurs.

De Hitchcock à Burton

Devenu une figure majeure du paperback, cette littérature commerciale publiée en poche sous une couverture souple, héritière des pulps, McDowell a toujours assumé son côté d’artisan de la série B. « Je suis un écrivain commercial et j’en suis fier […], confie-t-il en 1985 à Douglas Winter. J’écris des choses qui seront mises en vente dans une librairie le mois suivant. » Et de poursuivre : « J’écris pour que des gens puissent lire mes livres avec plaisir, qu’ils passent un bon moment sans avoir à lutter. » Cela ne l’empêche pas de susciter l’admiration des grands : Stephen King, qui le suit depuis ses débuts, chipera d’ailleurs à Blackwater le principe du feuilleton pour La Ligne verte.

L’incursion de McDowell à Hollywood, elle, résulte d’un malentendu. Le bureau de George A. Romero, alors occupé par la série Histoires de l’autre monde, l’appelle pour lui demander s’il écrit des scénarios. Ils pensaient en fait avoir affaire à un autre 
McDowell ! Engouffré dans la brèche, Michael 
écrira onze épisodes pour la série, dont « Seasons of Belief », qu’il réalise en 1986. On le retrouve aussi parmi les scénaristes d’Alfred 
Hitchcock présente et des Contes de la crypte. Quoi de plus normal pour ce fan de séries, de cinéma japonais et de slashers américains bas de gamme ? C’est aussi par le biais d’Alfred Hitchcock présente qu’il rencontre Tim Burton, lequel s’intéresse à l’un de ses scénarios : l’histoire d’un bio-exorciste chargé par des fantômes de débarrasser leur maison des vivants venus l’habiter…

Initialement plus sombre et plus trash que la version finale, le scénario de Beetlejuice sera retravaillé par Warren Skaaren, qui en tirera la comédie que l’on connaît. McDowell travaillera de nouveau avec Burton sur L’Étrange Noël de monsieur Jack, et continuera ses travaux de mercenaire pour Hollywood. Le sida le fauche en 1999, alors qu’il écrivait un roman, Candles Burning. Tabitha King, l’épouse de Stephen, écrira la fin et le publiera sept ans plus tard. McDowell n’aurait pas été surpris de commencer une carrière posthume, en bon apôtre des retours de l’au-delà.

Blackwater de Michael McDowell, traduit de l’anglais (États-Unis) par Yoko Lacour et Hélène Charrier (Monsieur Toussaint Louverture, 
260 p., 8,40 €, six tomes)

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