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« Les Ombres persanes » de Mani Haghighi : couple en miroir

  • Félix Tardieu
  • 2023-07-17

[CRITIQUE] L’Iranien Mani Haghighi (Pig, Valley of Stars) met entre parenthèses le ressort satirique et provocateur de son cinéma pour livrer un pur thriller mental reprenant habilement à son compte le motif on ne peut plus cinégénique du doppelgänger.

Alors que le dernier long métrage de Mani Haghighi, Pig (2018), singeait malicieusement un système de censure – dont le réalisateur fera d’ailleurs lui-même les frais lorsque, à l’automne 2022, il sera privé de son passeport alors qu’il devait se rendre à un festival de cinéma à Londres pour y présenter son film –, la scène inaugurale de son nouveau long, filmant une pluie ininterrompue qui s’abat sur Téhéran, installe d’emblée une atmosphère inquiétante à la lisière du fantastique. Une scène déroutante en guise de note d’intention, dans laquelle la caméra, furtive, se faufile entre des voitures prises dans un embouteillage monstre et se rapproche de véhicules abritant des silhouettes masquées par la pluie battante, avant de jeter finalement son dévolu sur le visage éreinté de Farzaneh (Taraneh Alidoosti). À travers le pare-brise, elle croit reconnaître son mari, Jalal (Navid Mohammadzadeh, qui donnait déjà magistralement la réplique à l’actrice dans Leila et ses frères de Saeed Roustaee en 2022), et décide de suivre ce double mystérieux dont la femme se révèle être, quant à elle, la copie conforme de Farzaneh…

Lorgnant plutôt du côté d’Enemy de Denis Villeneuve (2013) que d’Us de Jordan Peele (2019), le film brouille les identités et instille l’incertitude, voire la paranoïa, en multipliant les clairs-obscurs, en filmant sous tous ses angles la cage d’escalier de l’immeuble où réside cet autre couple – pour ne pas dire ce « couple d’autres » –, accentuant ainsi le vertige des symétries. Les combines pour faire coexister les doubles dans le même cadre ne sont pas d’une originalité folle, mais n’en demeurent pas moins efficaces, d’autant qu’Alidoosti et Mohammadzadeh s’emploient à sauter d’un personnage à l’autre par de subtiles variations, brouillant les cartes à mesure que la peur et le désir s’invitent dans l’équation. La frontière entre les identités ne tiendra alors plus qu’à un tissu de signes que le spectateur s’amusera à démêler. Adepte du mélange des genres et de l’autodérision, Mani Haghighi opte en fin de compte pour un style plus épuré, tout en se maintenant dans cet entre-deux ténu entre onirisme et réalisme psychologique. Troublant.

Les Ombres persanes de Mani Haghighi, Diaphana (1 h 47), sortie le 19 juillet

Images Copyright FILMS BOUTIQUE - MAJID FILM PRODUCTION - DARK PRECURSOR PRODUCTIONS

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