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« Selfie » d’Agostino Ferrente
- Léa André-Sarreau
- 2020-06-23
Et si les personnages pouvaient scénariser les films où ils apparaissent ? C’est le parti-pris narratif qu’a choisi l’Italien Agostino Ferrente, et qui prend dans son docu une acuité politique puissante.
Le cinéaste a demandé à deux ados du quartier napolitain de Trainao de se filmer grâce à des smartphones qu’ils positionnent en mode selfie. L’exercice donne lieu à la confession amère et sans filtre de Pietro qui, sans avoir peur de pleurer, raconte la mort de son cousin, descendu comme un animal par la police. Avec Alessandro, ils tentent aussi de retrouver le père d’un autre ado tué en mobylette sur le périph, tout en essayant de préserver la frivolité de l’adolescence – des baignades salvatrices aux conversations estivales sur le bord de la ville. Au fond, si Selfie questionne l’éthique de l’image et le voyeurisme de notre époque, il défend aussi une reconquête de l’espace familier, une réappropriation du cadre par ses sujets permise par la technologie.