Le Filip : « Divine, pour moi, c’est l’origine du monde, le punk en talons, l’irrévérence »

3 films queer  qui vous ont marquée ?

Pink Flamingos, Female Trouble, et Serial Mom. John Waters à mort, John Waters à jamais. Je pense que je vais me faire tatouer son portrait dans le dos. Pour le terrorisme queer qu’il ramène dans le monde, sa célébration du laid, du méchant, de tout ce qui est vu comme mauvais.

 Décrivez-vous  en 3 personnages  de fiction…

Helen Sharp dans La mort vous va si bien de Robert Zemeckis, pour moi un film drag. Pour sa volonté d’être plus féminine que féminine, sa quête de beauté, de jeunesse éternelle, de vengeance, sa folie. Elle Driver dans Kill Bill, elle est éternellement cool. Le fait qu’il lui manque un œil, ouais, c’est sexy. Les paradoxes comme elle, j’adore. Et Joanna dans Stepford Wives. Je trouve incroyable qu’à un moment dans l’histoire on se soit dit « ah oui, les nanas, il faut qu’elles soient de parfaites ménagères, de parfaites cuisinières », et qu’on y ait tous souscrit. Je trouve ce point de vue masculin absolument ridicule. Joanna pète un câble dans ce monde faussement parfait.

3 films  qui affirment la nonchalance  avec panache ?

 Comment épouser un millionnaire avec Marilyn Monroe, Lauren Bacall et Betty Grable, parce que c’est complètement assumé qu’elles ne sont pas là pour l’amour, mais pour l’argent. N’importe quel film de Jean Yanne, j’adore son humour surréaliste. Et Les Amours imaginaires de Xavier Dolan, pour ses jeunes de 20 ans qui ont l’impression d’avoir tout compris, ils sont un peu blasés, ils se sentent plus péter. J’adore leur manière de fumer, hyper nonchalante.

3 queens de cinéma qui vous inspirent ?

Divine, pour moi, c’est l’origine du monde, le punk en talons, l’irrévérence. Elle incarne tout ce que j’aime dans le drag, le je-m’en-foutisme, le fuck you ultime à la société. Cameron Diaz, la blonde californienne par excellence. J’aime trop ses comédies de merde de la fin des années 1990, ­début 2000. Elle représente le sex-appeal mélangé à la quirkyness [l’excentricité, ndlr]. Et aussi Madeline Kahn dans les films de Mel Brooks des années 1970-1980. C’est une actrice qui sait jouer, chanter, danser, et qui ne se prend pas au sérieux.

3 films méconnus que vous aimeriez faire découvrir ?

Satyricon de Federico Fellini, pour son esthétisme, et pour que les drag-queens qui vont lire ça se rendent compte qu’il existe d’autres mondes que l’esthétique de Violet Chachki [gagnante de la septième saison de RuPaul’s Drag Race, ndlr] et de Plastique Tiara [compétitrice de la saison 11 de RuPaul’s Drag Race]. Antichrist de Lars Von Trier, pour son ésotérisme, son côté mystique. Et Comment la guerre a commencé sur mon île de Vinko Brešan. C’est une comédie sur la guerre en Croatie [Le Filip y est née et y a vécu, ndlr], tournée l’année où je suis née, en 1995. C’est à propos d’un homme qui débarque sur son île natale, perdue dans l’Adriatique, alors que la population locale n'y ressent pas la guerre [la guerre de Croatie, qui a proclamé son indépendance en 1991 à l’Armée populaire yougoslave, a duré jusqu’en 1995, ndlr]. Il s’enferme dans la caserne, par peur que la guerre commence, et tout le village s’organise pour le faire sortir. Il y a un truc très triste et très drôle dans le film. Le paradoxe est un peu mon langage.

Comment la guerre a commencé sur mon île de Vinko Brešan

3 films dans lesquels vous aimeriez vivre ?

 La grande bellezza de Paolo Sorrentino, parce que ces riches Italiens vivent la meilleure des vies : les beaux paysages, coke-shit-­champagne, la tomate-mozza… Respiro d’Emanuele Crialese. C’est un film que j’ai vu avec ma mère à sa sortie, en 2002. C’est l’idée de l’Italie, d’être à poil dans l’eau… Et Le Seigneur des anneaux, parce que je suis une énorme fan de J. R. R. Tolkien, et que je veux être Galadriel.

Votre crush de cinéma à vos 13 ans ?

Xavier Dolan, même si je devais plutôt avoir 15 ans. Ça m’a crispée quand Léa Seydoux et lui ont sorti [dans Madame Figaro, en 2016, ndlr] : « On vient tous les deux de l’école de la vie. » Mais je lui pardonne parce qu’il est sublime. C’est toujours et encore mon crush.

Photo : Nathalie Guyon