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Le Cinéma Club diffuse un film perdu de Claire Denis : Keep it Yourself
- Léa André-Sarreau
- 2019-06-14
Plateforme pensée comme une salle de cinéma en ligne tournée vers les formats courts et des œuvres rares, Le Cinéma Club propose toutes les semaines un film inédit. Aujourd’hui, on découvre Keep it Yourself (1991), un film perdu de Claire Denis retrouvé par miracle sur une VHS japonaise. Un récit d’apprentissage d’une ardeur folle, où l’on croise des figures alors montantes du cinéma indépendant comme Vincent Gallo et Sara Driver, au rythme de la musique de John Lurie.
Lorsque Sophie reçoit une lettre de son petit ami lui proposant de venir le voir à New-York, elle débarque dans son appartement vide, sac à dos et insouciance pour seuls bagages. Mais il n’arrive pas, et en l’attendant, elle s’imprègne des lieux et des gens de cette ville de vertiges…Dans ce moyen métrage de 40 minutes qui évoque autant les errances de Wim Wenders que les rencontres citadines incongrues de Jim Jarmusch, le scénario minimaliste et les dialogues laconiques permettent à Claire Denis de déployer toute l’intensité de son regard et la précision de sa mise en scène.
Dans un noir et blanc lumineux, avec de longs travellings mutiques sur les buildings aux fenêtres miroitantes, la cinéaste appréhende l’espace tantôt comme une bulle solitaire – la fenêtre de l’appartement comme écran sur lequel Sophie projette l’appréhension par rapport à son avenir – tantôt comme un labyrinthe (où l’on achète des croissants avec une inconnue jouée par la réalisatrice Sara Driver).
Si Keep it yourself raconte la fin d’un amour, il assiste aussi à l’éclosion d’un nouveau, puisque Sophie finira par recueillir dans son lit un jeune voyou poursuivi par la police en pleine nuit, ce qui donnera lieu à une scène d’amour pudique et toute en mystère. La douceur et la sensualité d’habitude enfouies sous des situations douloureuses chez Claire Denis n’ont jamais été aussi palpables que dans ce film qui, jusqu’au bout, sait rester secret.
Image: Capture d’écran.