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« La Villa » de Robert Guédiguian : le temps qui file

  • Julian Dokhan
  • 2017-11-28

Avec cette fresque familiale située au coeur des calanques marseillaises, le cinéaste signe un grand film humaniste sur la solidarité comme utopie perdue, à revoir sur Arte jusqu'au 13 septembre.

Le cinéma de Guédiguian, ce ne sont pas uniquement des personnages au verbe haut et à l’accent chantant. Ce dernier film s’ouvre d’ailleurs sur le visage d’un vieil homme que la maladie a rendu muet. Installé sur la terrasse de sa villa, il semble tout à la fois contempler l’horizon et considérer le chemin parcouru. Cette première scène donne le ton d’une œuvre dont la profonde mélancolie est adoucie par le sentiment d’harmonie que procure la nature (ici, une calanque aux allures de refuge paradisiaque) et par une inébranlable foi en l’humanité. Le patriarche est entouré de ses trois enfants, Angèle, Joseph et Armand, interprétés par Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin et Gérard Meylan. Chacun se débrouille comme il peut avec le temps qui file et les trahisons qui se faufilent. Armand continue de gérer le restaurant ouvrier familial pendant que Joseph, cadre au chômage, fustige une époque où l’on a «la tête à droite et le cœur à gauche». Angèle, elle, exprime ses émotions au théâtre, « cet endroit où on peut refaire le monde » – Guédiguian dit justement s’être inspiré de La Cerisaie de Tchekhov pour ce film, qui cite aussi Bertolt Brecht ou Paul Claudel.

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Loin de transformer sa Villa en maison de retraite pour anciens combattants, Guédiguian y accueille volontiers la jeune génération, dont la hardiesse vient bousculer les certitudes et les habitudes. Le cinéaste marseillais scrute ainsi avec la même tendresse Yvan (Yann Tregouët), qui embarrasse ses parents en leur proposant une aide financière, Bérangère (Anaïs Demoustier), dont l’énergie tranche avec l’apathie de Joseph, son compagnon, ou Benjamin (Robinson Stévenin), qui bouleverse Angèle en lui faisant un aveu inattendu. La Villa confronte avec un mélange d’audace et de pudeur le passé et le présent, les fantômes d’hier et les invisibles d’aujourd’hui. Lorsque les migrants s’invitent à la table, cette irruption ne représente pas la menace d’une désintégration, mais bien l’espoir d’une réconciliation. Au bout du compte, plutôt que « c’était mieux avant », Guédiguian préfère nous dire : « Tout est encore possible. »

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