KIDS ⸱ Grace Ly interviewée par Lisa, 8 ans

Quel était le pays de ta mamie ?

Ma mamie était chinoise du Cambodge, un pays du sud de l’Asie, juste en dessous de la Chine. Elle venait de deux pays différents.

Pourquoi as-tu appelé le personnage de la petite fille Anna-Yi ?

Je voulais un prénom que tout le monde connaît ici, Anna, et j’ai rajouté Yi, qui évoque la Chine. Son prénom représente les deux pays qui composent son identité. Moi, j’ai trois prénoms sur ma carte d’identité, un prénom chinois, un prénom cambodgien et un prénom français.

Toi, tu trouves ça bien d’avoir une grand-mère d’un autre pays ?

Maintenant que je suis adulte, je trouve ça formidable. Mais, quand j’étais petite, parfois j’avais envie d’avoir une mamie comme les autres, comme on les voit dans les films et les livres. Et puis, ma grand-mère parlait chinois, je n’avais pas de grandes conversations avec elle, parce que je ne maîtrisais pas bien cette langue.

Quand sa grand-mère vient la chercher à l’école, est-ce que les enfants se moquent d’Anna-Yi ?

Certains lecteurs vont penser que ses copains se moquent, d’autres qu’ils s’intéressent et qu’ils sont curieux.

Est-ce qu’on s’est moqué de toi quand tu étais petite ?

J’étais très timide, je ne participais pas en classe, et parfois, on me disait des choses pas très gentilles sur mes origines.

Tu as des enfants ?

Oui, et je les ai très tôt mis en garde, en leur expliquant que si des choses se passaient mal à l’école, il fallait en parler. Ce ne doit jamais être un secret. Si on ne se sent pas bien, il faut le dire, on peut le partager avec les gens qu’on aime.

Tu cuisinais avec ta grand-mère ?

Oui, et je donne une de ses recettes à la fin du livre, celle des œufs marbrés. Mais, la difficulté, c’est que ma mamie disait tout le temps : « Tu mets un peu de ci, un peu de ça et puis, hop hop ! Voilà, c’est bon ! » Pour les besoins du livre, je me suis entraînée, j’ai pesé, j’ai tout noté pour avoir des proportions précises. Comme ça, d’autres personnes pourront faire les œufs marbrés comme ceux de ma grand-mère.

Est-ce que tu as eu un chien à ton anniversaire, comme Anna-Yi ?

Non, c’était mon rêve ! Quand on raconte des histoires, on peut créer une vie qui n’est pas la nôtre et réaliser nos rêves à travers l’écriture.

Tu voulais créer des livres à mon âge ?

À ton âge, je tenais un journal intime. J’ai continué et je les ai tous gardés.

Tu fais aussi des podcasts. Est-ce que tu voudrais en créer un pour les enfants ?

Depuis qu’on a créé le podcast Kiffe ta race, beaucoup d’adultes nous demandent comment parler du racisme aux enfants. C’est un sujet lourd et grave, auquel vous êtes confrontés très tôt. Il faut qu’on s’y attelle...

Il y a des films que tu me conseilles ?

Le Roi des singes, un film d’animation [réalisé dans les années 1960, inédit en France, ndlr] que tu peux regarder dès maintenant. Quand tu seras un peu plus grande, vers 12 ans, il y a le film Funan, qui est assez récent [sorti en 2019, ndlr]. C’est l’histoire d’un enfant et de sa maman qui fuient le Cambodge à cause de la guerre. Cette histoire ressemble à l’histoire d’une partie de ma famille que je n’ai pas connue.

Est-ce que tu as faim ? Une recette d’amour de Grace Ly et Mélody Ung (On ne compte pas pour du beurre, 36 p., 15 €), dès 5 ans. 

Photo : Ines Ferhat pour TROISCOULEURS