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Yves Raibaud : « La mixité dans le sport devait être la règle dans toute activité organisée par l’État et les collectivités »

  • Thomas Messias
  • 2021-09-20

À São Paulo, une skateuse de 17 ans s’adonne à sa passion dans des lieux monopolisés par les garçons. L’héroïne de "Je m’appelle Bagdad" (en salles le 22 septembre) s’accommode de cette hégémonie qui fait légitimement fuir les autres jeunes filles. Mais le fait que les équipements sportifs soient trustés par les garçons est-il une fatalité ? On a discuté de ces questions cruciales avec le géographe et maître de conférence Yves Raibaud, auteur de "La Ville faite pour les femmes", publié en 2015 chez Belin.

Le film dépeint les skateparks comme des temples de la masculinité dans lesquels l’héroïne semble acceptée presque par miracle. Les politiques pratiquées par les villes sont-elles responsables de ce genre de quasi-monopole ?

Oui car, dès leur ouverture dans les années 1990, ces équipements ont été occupés à 95 % par des garçons. Comment peut-on aujourd’hui imaginer qu’ils soient neutres ? Par quel miracle les filles s’en empareraient-elles, sans un travail d’éducation et une volonté de partager équitablement les équipements publics entre femmes et hommes ? En continuant à construire des skateparks, des city stades, on aggrave les inégalités révélées par ce chiffre vérifié à de multiples reprises : 75 % des budgets consacrés aux loisirs des jeunes profitent aux garçons.

Les garçons et les jeunes hommes ayant la mainmise sur les équipements sportifs d’accès libre, est-ce encore possible de rééquilibrer la répartition genrée dans ce type de lieu ? Comment ?

Les expériences menées en France et dans d’autres pays européens montrent qu’un ou deux créneaux non mixtes féminins par semaine, encadrés par des animatrices, permettent aux jeunes filles d’acquérir rapidement le niveau nécessaire pour gagner leur place sur les autres créneaux majoritairement masculins. Les images positives données par la glisse aux Jeux olympiques peuvent également aider, ainsi que certaines formes de communication institutionnelle.

Éduquer différemment les garçons et les filles pourrait-il permettre de remédier en partie à ce problème de surinvestissement de la ville par les hommes ?

Vouloir l’égalité filles-garçons en faisant uniquement la promotion des cultures masculines auprès des filles est inefficace et pervers, en tout cas voué à l’échec. La mixité dans le sport devait être la règle dans toute activité organisée par l’État et les collectivités, y compris par le secteur associatif subventionné, comme c’est le cas à l’école. Pour promouvoir ce genre d’actions – créneaux non mixtes féminins, mixité filles-garçons dans les apprentissages – de façon aussi simple et aussi juste que possible, il faut intégrer une perspective de genre dans l’élaboration des budgets. Il faut aussi mettre en lumière les clubs de théâtre, les chorales, le scoutisme mixte, les associations d’éducation populaire… Dans tous ces lieux qui rassemblent des centaines de milliers de jeunes, la rencontre est organisée entre filles et garçons et permet de réguler dès l’enfance les tensions organisées entre classes de sexe par la société patriarcale.

Je m’appelle Bagdad de Caru Alves de Souza, Wayna Pitch (1 h 36), sortie le 22 septembre

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