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« Iron Claw » de Sean Durkin : la malédiction de la fratrie Von Erich
- Enora Abry
- 2024-01-18
[Critique] Après « The Nest », sur les dérives d’un père pervers narcissique, Sean Durkin s’attaque à une nouvelle figure de patriarche, Jack Von Erich, qui a fait de ses quatre fils des stars du catch américain pendant les années 1980.
Si les premières images - un combat de catch musclé en noir et blanc - laissent présager un récit sur le sport, le troisième film du Canadien Sean Durkin (remarqué pour Martha Marcy May Marlene et The Nest, deux films nébuleux sur l'emprise) nous éconduit vite. Ce n’est pas les performances hors-normes sur le ring des frères Von Erich qui intéressent le réalisateur, mais leur vie familiale jalonnée d'événements tragiques : la mort prématurée de cinq enfants, dont trois par suicide.
Des quatre frères, un seul survivra à cette course vers la gloire imposée par un père autoritaire, incarnée par Holt MacCallany (incroyable profiler dans la série Mindhunter). Ce dernier agit comme le metteur en scène du film. Au petit déjeuner, il classe ses fils - de celui qui le rend fière à celui qui le déçoit - et la caméra suit le destin de l’enfant méritant. Ainsi, une bonne partie du long-métrage se penche sur la figure de Kevin (Zac Efron), le plus doué et fidèle de la fratrie, avant de passer à David (Harris Dickison) puis Kerry (Jeremy Allen White) et enfin Mike (Stanley Simson).
Au fil des scènes, le corps des garçons devient méconnaissable, à l'image de celui d’Arnold Schwarzenegger lors du concours Mister Univers en 1966. Pendant les entraînements et les matchs, les plans insistent sur leurs plaies, le gonflement de leurs veines, et le rougissement de leurs doigts après avoir pratiqué le “Iron Claw”, cette prise de catch inventée par Jack Von Erich qui consiste à attraper et écraser le crâne de son adversaire.
Mais ce ne sont pas les blessures physiques - ni même une “malédiction” comme certains d’entre eux le croient - qui viendront à bout de la famille Von Erich. La pression qu’ils subissent pour être numéro 1, la volonté constante du père de les opposer et de les isoler du monde (seul Kevin se mariera), les mèneront à se battre jusqu’à la mort ou à se suicider - ce qui relève de la même pulsion. En retrait, la figure de la mère est le parfait pendant de la politique oppressive du père : elle refuse de s’interposer dans les “histoire de garçons” et leur demande de ravaler leurs larmes car “un homme ne pleure pas”.
En mettant en scène - physiquement - la disparition d'une famille (une attention particulière est portée aux chaises vides après les décès et le père, toujours au centre des plans, divise les membres qui restent), Sean Durkin souhaitait "mettre en lumière les effets néfastes de la masculinité extrême qui a nuit à notre culture."
Reste à savoir comment “tuer le père” et sortir de l’emprise. L’un d’entre eux y parviendra au prix de la refonte complète de son identité : car comment être un frère si toute la fratrie a été décimée ?