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I.A. QUOI ? · Les I.A. entrent en scène

  • Julien Dupuy
  • 2023-10-06

L’édito de Julien Dupuy. Les stars de la j-pop et de la k-pop n’ont pas attendu l’explosion des I.A. génératives pour investir les territoires du numérique. Cela fait en effet plus de dix ans que les maisons de disque asiatiques se sont lancées dans la conception de chanteurs virtuels, comme Hatsune Miku qui, en 2014, a fait la première partie de Lady Gaga.

Un des derniers exemples en date, évoqué par Vanity Fair : le groupe de k-pop Eternity, fut même conçu en fonction des goûts de leurs fans potentiels, invités à élire le visage des chanteuses parmi 101 propositions divisées en quatre catégories : mignons, sexy, innocents ou intelligents. Le titre de la première chanson de ce groupe ne manquait pas d’ailleurs pas d’ironie : « I’m real. »

Si ces coups marketings restent, pour le moment du moins, circonscrits à ces deux domaines musicaux, l’industrie du disque occidentale n’est pas en reste. Ainsi, depuis une dizaine d’années, des concerts ont été organisés avec les hologrammes de chanteurs décédés parmi lesquelles Elvis Presley, 2Pac ou, plus récemment, Whitney Houston.

Cette tendance contraint même les stars encore vivantes à prendre position sur le sujet, à l’image de Dolly Parton qui a récemment déclaré lors d’une conférence de presse à Londres pour la sortie de son album « Rockstar » qu’elle avait fait en sorte que ce genre d’exploitation post mortem ne voit jamais le jour. « Une fois morte, je ne veux pas laisser mon âme sur Terre ! », a-t-elle expliqué, comme le rapporte The Independent.

Mais mêmes vivantes, les vedettes de la chanson peuvent être confrontées à leurs doubles numériques. Le groupe ABBA, par exemple, a sollicité les talents des infographistes de la société d’effets spéciaux Industrial Light & Magic (Star Wars, Jurassic Park et une palanquée de Marvel), pour concevoir leurs répliques numériques rajeunies. Surnommés les « Abbatars » par leurs fans, ces doubles ont ensuite donné des concerts à travers le monde en se basant sur la capture de mouvement des quatre membres du groupe.

Plus vertigineux encore, certaines stars ont désormais à leur service un double virtuel qui peut, par exemple, apparaître sur les réseaux sociaux pour échanger avec le public. C’est le cas de « Digital Mark », double virtuel du rappeur Mark Tuan qui, grâce notamment à ChatGPT, peut discuter avec ses fans. Une question se pose alors : considérant le progrès exponentiel des I.A., le double virtuel pourrait-il, un jour, rentrer en concurrence avec son modèle humain ?

I.A. PLAYLIST

Cet infographiste coréen a créé un faux documentaire dans lequel des véhicules militaires se comportent comme des animaux.

Les personnages de la série The Office réinventés en héros de jeux vidéos eighties par l’Israélien Ran Zamir.

Il va désormais être possible de converser verbalement avec ChatGPT ou de lui communiquer vos besoins en montrant au générateur de texte une image.

Des œuvres d’art célèbres se retrouvent propulsées à notre époque dans ces images Midjourney signées Pablo Lopez.

La Joconde de De Vinci vu par Pablo Lopez

La Liberté guidant le peuple de Delacroix vu par Pablo Lopez

I.ARTISTE

« L’intelligence artificielle va avoir bien plus d’impact que la Révolution Industrielle et la bombe nucléaire », déclarait en mars dernier Peter Gabriel à Yahoo ! Music. Le mois suivant, le mythique auteur-interprète de « Solsbury Hill » joignait les actes à la parole en lançant le concours #diffusetogether, invitant des artistes I.A. a créer, ex nihilo, un clip vidéo pour illustrer ses chansons « The Court » et « Panopticom ». Deux mois après le lancement du concours, Gabriel a choisi quatre créateurs parmi la grosse centaine de participants. Vnderworld, alias Stephen Grzanowski, est arrivée à la seconde place. Cet artiste volubile nous parle de la création du clip « Panopticom » et de son aventure dans le monde des I.A.

« Depuis un an, j’ai quitté mon emploi de vendeur de logiciels dans la Silicon Valley pour me lancer dans l’art. J’ai grandi dans la technologie, je joue aux jeux vidéo depuis mon enfance et, dans les années 90, je faisais déjà des créations numériques avec le logiciel Kid Pix sur Macintosh. J’ai donc toujours rêvé de devenir un artiste mais je n’avais jamais réussi à sauter le pas. Et puis j’ai découvert ces outils basés sur les I.A., Dall-E et Midjourney en tête. Et là, tout s’est accéléré.

Cette dernière année a été vraiment délirante. J’ai galéré, je me suis nourri pendant plusieurs mois de hot dogs à chaque repas, mais ma carrière commence à décoller. J’apprends constamment, je créé en permanence. Je n’aurais jamais imaginé avoir le temps, dans ma vie, de créer tout ce que j’ai pu faire ces six derniers mois. C’est très étrange de laisser ainsi courir son inspiration alors qu’il y a encore quelques mois, j’avais un abruti sur le dos qui me serinait que je devais remplir mes quotas de vente (rires).

Je me suis fait surnommer « Alchimiste de l’I.A. », mais honnêtement, c’est surtout de l’esbroufe (rires) ! Ceci dit, travailler son œuvre en y ajoutant tous ces prompts, tous ces ingrédients, c’est un peu comme de l’alchimie. Et puis ces générateurs ont un truc magique. D’ailleurs, si vous parlez aux dirigeants de Midjourney, vous découvrirez qu’eux-mêmes ne savent pas VRAIMENT comment leur I.A. fonctionne. Ça montre bien qu’il y a quelque chose qui nous dépasse et ça devrait même effrayer tout le monde (rires).

Participer à des concours ou répondre à des appels d’offre est la seule façon de percer dans le monde de l’art. C’est pour ça que je me suis lancé dans le concours initié par Peter Gabriel. J’ai passé sept jours, quasi 24 heures sur 24, à concevoir le clip pour "Opticon". On m’a ensuite invité à participer à un Twitch qui réunissait Peter Gabriel et les dix premiers vainqueurs du concours. Quand j’ai vu le boulot des autres, j’ai été super intimidé, ils étaient tellement bons ! Mais à mon grand étonnement, je suis arrivé à la seconde place ! Peter m’a payé pour pouvoir utiliser mon travail sur sa chaine YouTube et son équipe m’a rappelé ces dernières semaines pour me demander de créer des visuels pour ses concerts ! C’est fou non ? J’avais une semaine pour tout livrer, ça aurait été infaisable pour un artiste traditionnel.

Mon clip est un témoignage de ce qu’il est possible de faire actuellement avec les I.A. : je ne suis pas toujours synchro avec la chanson (c’était l’un des aspects les plus difficiles à accomplir), mais je trouve que le résultat final se tient. Il a fallu surtout que je manipule manuellement le passage de la 2D à la 3D : j’ai passé mes journées à taper des milliers et des milliers de lignes de commandes. Je pense que j’ai écrit plus de cent prompts, avec 5000 périmètres pour les mouvements. C’était intense !

Habituellement, je n’exploite jamais de références picturales, mais j’ai quand même travaillé une petite section du clip autour d’une relecture de la peinture American Gothic de Grand Wood. Vous remarquerez aussi qu’il y a aussi beaucoup de tournesols dans le clip : pour moi, ils représentent la servitude. Les tournesols suivent en permanence le soleil, comme s’ils le priaient, alors que l’astre va finir par les brûler. J’aime beaucoup cette idée.

L’émergence des I.A. était inévitable. Et dans une année, n’importe qui va être capable de générer son propre film en 4K, avec des personnages qui parlent et interagissent. Ça va être dingue ! Les barrières qui nous empêchaient de créer sont en train de s’effondrer. Nous vivons une époque vraiment fascinante. »

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