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I.A. QUOI ? · La nouvelle chair

  • Julien Dupuy
  • 2023-11-10

L’édito de Julien Dupuy. C’est la réunion inévitable de deux mondes qui étaient destinés à se rencontrer. La plus célèbre société de robotique du monde, Boston Dynamics, a équipé une de ses plus célèbres créations, le quadrupède Spot, de ChatGPT.

Comme toutes les dernières fabrications de Boston Dynamics, Spot bénéficie d’une souplesse de mouvement ahurissante : il est capable d’évoluer sur des terrains accidentés ou de gérer le surgissement d’un obstacle. Mais il est aussi désormais capable de faire la conversation grâce aux performances du plus fameux des générateurs de texte.

Spot peut ainsi servir de guide aux visiteurs des locaux de Boston Dynamics et répondre à toutes leurs questions. Ce faisant, il peut endosser plusieurs personnalités : un guide touristique enthousiaste, un majordome anglais distingué et même un William Shakespeare voyageur du temps ! Ses créateurs ont poussé le vice jusqu’à l’affubler d’une paire d’yeux globuleux, d’une petite moustache, d’un chapeau et ont (mal) synchronisé ses paroles avec l’ouverture de sa « gueule », qui lui sert également à ouvrir et fermer les portes.

Le fait que l’I.A. générative investisse un corps physique, quand bien même ce dernier est synthétique, ouvre un tout nouveau champ de réflexion. Car, pour le moment du moins, on ne peut que souscrire à la déclaration de James Cameron (déjà rapportée dans le 5e I.A. Quoi ?) ou aux récents propos d’Alexandre Astier qui déclare que les I.A. « n’en ont rien à foutre de l’identité, de la survie (…) de la frustration ».

Mais si, à l’avenir, les I.A. investissent, comme Spot, le monde physique, cette réflexion est-elle encore valide ? Même s’ils sont synthétiques, leurs corps seront amenés à se détériorer, donc à vieillir. Ils devront gérer, au quotidien, leurs propres limites, ce qui ne devrait pas être sans répercussion sur l’algorithme.

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L’automatisation de ces créatures les amènera également à se préoccuper de leur alimentation, à redouter le jeûne, les pénuries. On peut même imaginer qu’elles puissent un jour connaître une forme de souffrance, source d’information vitale pour le bon fonctionnement du corps humain. En somme, il serait logique que la projection d’une I.A. hors de son cocon virtuel, l’amène à générer son propre rapport au monde du vivant et à connaître une évolution qui devrait recouper, du moins en partie, notre propre relation à notre environnement et à l’existence.

En cela, l’expérience de Boston Dynamics nous met face à une question absolument insoluble à l’heure actuelle : quelle sera, dans un avenir pas si lointain, la différence fondamentale entre un être humain et une I.A. dotée d’un corps ?

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Bonus : L’une des stars de YouTube, Adam Savage, a construit une carriole que tire Spot. Gageons que, très prochainement, la monture pourra faire la conversation à son passager. A voir sur Youtube.

Bonus : Un montage à la fois éprouvant et hilarant montrant les robots de Boston Dynamics maltraités par leurs créateurs. Se vengeront-elles un jour de leurs tortionnaires ?

I.A. Playlist

L’univers de Bob L’Éponge et de Hieronymus Bosch enfin réunis par Simon Ault ! A voir sur Facebook .

Les plus célèbres monuments du monde générés par Midjourney à partir de prompts contenant une minuscule erreur qui change tout (en anglais). A voir sur X.

Une reprise d’American Pie chante le raz-de-marée des I.A. Conçue pour accompagner une conférence, elle est enfin disponible en ligne et en mode karaoké (en anglais). A voir sur X.

L’évolution de l’homme imaginée par MohameD MehreZ via StableDiffusion. A voir sur X.

I.ARTISTE

Let Us Explore vient tout juste de remporter le Best Character Award (le prix du meilleur personnage) lors du concours organisé par le générateur Runway. On ne peut que souscrire à cette récompense : outre son ambiance à la fois anxiogène et onirique, Let Us Explore parvient, en à peine plus d’une minute, à camper des personnages intrigants et attachants. Son réalisateur, Gabe Michael, nous parle de la création de ce court-métrage.

« J’ai suivi une formation de producteur et j’ai ainsi conçu quantité de contenus pour divers clients comme Sony ou Netflix. J’ai également travaillé à Maker Studios sur Epic Rap Battles.

Je me suis plongé dans les IA il y a un an exactement avec Jasper AI puis Chat GPT. J’ai même rédigé un scénario de long métrage avec ce générateur de texte que j’ai utilisé comme un assistant. J’ai suivi quantité de cours via Google et IBM pour en apprendre plus et, parallèlement, j’ai passé beaucoup de mon temps libre pour maitriser l’utilisation de Midjourney et, plus récemment, de Runway ML. Je m’en sers au quotidien pour des taches subalternes, comme l’incrustation sur fond vert ou la création de ralentis à partir d’images tournées à vitesse normale.

Let Us Explore a été conçu pour participer au concours de Runway Gen: 48. Le fait que j’ai beaucoup tourné en live m’a considérablement aidé sur ce court-métrage, à la fois sur la mise et en scène et le montage. Le générateur vous propose une série de plans et, en tant que réalisateur, vous devez choisir les meilleures prises, déceler le meilleur matériau. Et, finalement, c’est ce que l’on fait aussi sur un plateau au quotidien quand on est réalisateur. La chose qui diffère, c’est que la réalisation traditionnelle est très linéaire : vous assurez seul la production, puis vous devez tenir bon sur le tournage au milieu de l’équipe en essayant d’être le plus positif possible.

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Enfin, vous êtes de nouveau seul en post production avec le matériel tourné. Or, avec les I.A. vous devez tout affronter simultanément et surtout, tout le poids du projet repose sur vos seules épaules : réaliser est une tache assez solitaire, et c’est encore plus vrai avec ces nouveaux outils. Sauf que maintenant, je dois diriger au mieux une sorte d’être artificiel.

Je pense que, dans la décennie qui vient, de toutes petites équipes seront en mesure de concevoir des films en autarcie, à l’aide des outils basés sur l’I.A. C’est ce que j’ai déclaré à mon père, qui est lui-même un programmateur informatique : actuellement j’apprends à "coder" des films. Ceci étant dit, si de nouveaux outils vont apparaître et si les rôles sur un plateau de tournage vont évoluer, le bon goût, une narration efficace, en somme la qualité artistique de vos œuvres seront les seuls garants de votre succès. Par ailleurs, je ne crois pas, contrairement à d’autres, que les IA vont provoquer une apocalypse ou un truc du genre. J’ai juste peur que des humains fassent un mauvais usage de l’I.A. Ceci étant dit, je suis toujours extrêmement poli quand j’utilise ChatGPT : je remercie toujours l’I.A. On ne sait jamais ! »

Image de couverture : capture d’écran de Let Us Explore

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