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« How to have sex » de Molly Manning Walker : contre-manuel

  • Marilou Duponchel
  • 2023-10-30

[CRITIQUE] Avec son long métrage puissant et sensible, Molly Manning Walker reconfigure le teen movie et signe un manifeste féministe à propos de la violence insidieuse des prototypes de genres.

How to Have Sex sait très bien comment obtenir ce qu’il cherche, nos faveurs et celles de ses personnages. Ce qu’il convoite d’abord est un territoire de cinéma, celui, familier et séduisant, du teen movie à l’ère du spring break façon Harmony Korine, couleurs fluo, faste acidulé, comme un parfum d’hélium qui électrise l’atmosphère. Soit, ici, trois amies ados, Tara, Skye et Em, venues trouver, dans l’opulence d’une station balnéaire de Méditerranée, tout ce que le monde (ou plutôt son fantasme) leur a promis : fête, alcool et sexe. Packaging clinquant pour programme tout tracé, servi pour que chacune et chacun (un groupe de garçons rencontrés sur place) y trouve son compte de jouissance capitalisée (jouir comme on consomme).

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Sauf qu’aucune mécanique n’est infaillible : il suffit d’une perte d’équilibre pour qu’elle dévoile ses failles. C’est ici un flirt nocturne sur une plage déserte qui vient renverser ce plateau de jeu ultra codifié pour en révéler son autre vérité : un viol. Bien plus qu’un élément de scénario venant court-circuiter le déroulé narratif, le viol dont est victime Tara, dans une scène d’une grande habileté qui produit un état de stupéfaction mortifère, vient à jamais marquer la chair du film. Quand la compréhension du crime se manifeste à travers les regards muets échangés entre deux protagonistes, le film s’en trouve comme métabolisé génétiquement.

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La jeune cinéaste anglaise explore alors, avec un sens inouï du détail, des situations dans lesquelles les mots, les gestes, les postures de Tara peinent à s’extraire du récit romancé d’une nuit à deux sur une plage, avec ce principe de plaisir et de séduction partagés. Dans sa dégringolade, sa gueule de bois prolongée, How to Have Sex regarde ses personnages sans cynisme et s’interroge plutôt sur cette ambiguïté du signifié, qui entrave une liberté de dire et de penser. Jetant loin toute velléité moralisatrice, How to Have Sex s’apparente, au contraire de son titre, à un contre-manuel appelant à une sorte de réforme insurrectionnelle dans laquelle l’usage de l’indicatif comme syndrome d’une autorité sexiste et patriarcale serait à renverser.

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How to Have Sex de Molly Manning Walker, Condor (1 h 28), sortie le 15 novembre

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