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« How to Have Sex » de Molly Manning Walker

  • Marilou Duponchel
  • 2023-06-19

Avec « How to Have Sex », présenté dans la catégorie Un Certain Regard au festival de Cannes, Molly Manning Walker reconfigure le teen movie et signe un film manifeste et féministe sur la violence insidieuse des prototypes de genres et sur l’ambiguïté perverse de sa sémantique.

How to have sex premier long métrage de Molly Manning Walker sait très bien comment obtenir ce qu’il cherche, nos faveurs et celles de ses personnages. Ce qu’il convoite d’abord est un territoire de cinéma, celui familier et séduisant du teen movie à l’ère du Spring break(ers) façon Harmony Korine, couleurs fluo partout, faste acidulé, comme un parfum d’hélium qui électrise l’atmosphère. Soit ici trois amies-ado, Tara, Skye et Em venues trouver dans l’opulence d’une station balnéaire aux abords de la Méditerranée, tout ce que le monde (ou plutôt son fantasme) leur a promis : fête, alcool et sexe. Packaging clinquant pour programme tout tracé, servi pour que chacune et chacun (un groupe de garçons rencontrés sur place) y trouve son compte de jouissance anticipée et capitalisée (jouir comme on consomme).

Sauf qu’aucune mécanique n’est infaillible, il suffit d’une perte d’équilibre pour qu’elle veuille bien montrer ses failles. C’est ici un flirt nocturne sur une plage déserte qui vient renverser ce plateau de jeu ultra-codifié pour en révéler son autre vérité : un viol. Bien plus qu’un élément de scénario venant court-circuiter la tenue et le déroulé narratif du film à venir, le viol ici, dont est victime Tara, dans une scène d’une grande habilité dans sa capacité à faire surgir un état de stupéfaction mortifère, vient à jamais marquer la chair du film. Quand la compréhension du crime se manifeste à travers les regards muets échangés entre deux protagonistes, c’est tout le film qui s’en trouve bouleversé comme métabolisé génétiquement jusque dans sa forme par cette intrusion forcée.

Là, la jeune cinéaste anglaise explore avec un sens inouï du détail des situations de scène où les mots, les gestes, les postures de Tara ne peuvent s’extraire du récit romancé d’une nuit à deux sur une plage avec ce principe plaisir et de séduction comme seul horizon imagé pour ces garçons et ces filles en puissance. Dans sa dégringolade, sa gueule de bois prolongée, How to Have sex sait regarder ses personnages sans cynisme et s’interroge plutôt sur cette ambiguïté du signifié qui entrave une liberté de dire et de penser. Jetant loin toute velléité moralisatrice How to Have sex, appelle, au contraire, à une sorte de réforme insurrectionnelle, un contre-manuel, où tout usage de l’indicatif employé comme syndrome d’une autorité sexiste et patriarcale serait à renverser.

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